Entrée de Robert Badinter au Panthéon: pourquoi son corps ne sera pas dans le cercueil?

Le Panthéon à Paris (France), sur lequel figure un portrait de Robert Badinter, ancien ministre de la Justice, le 8 octobre 2025. - Photo par LUDOVIC MARIN / AFP
Un an et demi après sa mort, l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter fera son entrée au Panthéon ce jeudi 9 octobre. Une cérémonie à laquelle assisteront notamment le chef de l'État Emmanuel Macron, malgré la crise politique en cours, ainsi qu'Élisabeth Badinter.
Dans un entretien à nos confrères de Libération, la veuve de Robert Badinter explique que le corps de son défunt mari ne sera pas dans le cercueil et restera au carré juif du cimetière de Bagneux, à Paris, où il repose déjà. "Ce qu’on voulait, c’est ne pas être séparés", se justifie-t-elle, précisant ne pas être légitime pour rejoindre son mari à sa mort.
À la place du corps, ce sont quatre objets qui figureront dans le cercueil transféré au Panthéon: la robe d'avocat de Robert Badinter et trois livres: Idiss qu'il a écrit en hommage à sa grand-mère, une biographie du député Nicolas de Condorcet, signé par le couple et Choses vues de Victor Hugo.
"Difficile de dire ce que contient chaque caveau"
Ce n'est pas la première fois qu'un cercueil entrera au Panthéon sans la dépouille. En 2015, les cercueils des résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz ne contenaient qu'une poignée de terre, car leur famille avait refusé que leurs corps quittent le cimetière familial. Une requête acceptée à l'époque par l'Élysée "avec une grande compréhension".
"Nous sommes très heureux que Germaine entre au Panthéon, mais nous ne tenons pas à ce que son corps quitte la tombe familiale. Je souhaite qu’elle ne soit pas séparée de sa famille", expliquait à l'époque la nièce de la résistante Émilie Sabeau-Jouannet au Progrès.
Les cas de Robert Badinter, Germain Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz sont loin d'être isolés. "Il est bien difficile de dire ce que contient chaque caveau. Aucune expertise n'a jamais été faite", racontait à Franceinfo en 2015 Pascal Monnet, historien et administrateur du monument.
"Pour Voltaire et Rousseau, cela demeure un mystère. Quelques ossements ont été constatés à la fin du XIXe siècle, mais sans savoir si c'était bien ceux des deux grands philosophes exhumés presque quinze ans après leur décès", cite-t-il en guise d'exemples.
Autre exemple, le cas de Nicolas de Condorcet, entré au Panthéon en 1989, 200 ans après la Révolution française. Mort en 1794, le philosophe a ensuite été enterré dans une fosse commune dans les Hauts-de-Seine, mais les recherches n'ont pas permis de retrouver son corps. Concernant Jean Moulin, ce sont les cendres "présumées" du résistant qui sont entrées au Panthéon en décembre 1964.
Dans d'autres cas, seule une partie du corps du défunt repose dans le monument parisien. Pour Léon Gambetta, transféré au Panthéon en novembre 1920, seul le cœur y figure, dans une urne. L'inventeur de l'écriture pour les aveugles Louis Braille a, lui, été inhumé sans ses mains qui sont restées dans le caveau de sa famille à Coupvray, en Seine-et-Marne. Difficile parfois donc de concilier les volontés familiales avec l'hommage rendu par l'État. En 2011, le poète et homme politique Aimé Césaire est entré au Panthéon, mais ni urne ni cendres n'y ont été transférées. Il a toujours voulu être enterré sur son île natale, la Martinique, une volonté perdurée par sa famille.
Robert Badinter est la septième personnalité à entrer au Panthéon, depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017, après le couple Manouchian, Joséphine Baker, Maurice Genevoix et le couple Veil. En juin 2026, l'historien et résistant Marc Bloch, fusillé par les Nazis en 1944, fera à son tour son entrée dans le monument parisien.