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"Catastrophe", "coûteux", "sélection hasardeuse"... Quand la Belgique louait des places de prison à l'étranger

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Emmanuel Macron s'est dit favorable à la possibilité de "louer" des places de prison dans d'autres pays "si besoin". La Belgique en a fait l'expérience entre 2010 et 2016 aux Pays-Bas. Des critiques sur le coût engendré ou sur les conséquences sur les détenus transférés avaient alors émergé.

"On louera, si besoin était, les places de prison là où elles sont disponibles". Lors d'une interview sur TF1 ce mardi 13 mai, Emmanuel Macron a ouvert la porte à la location de prison dans d'autres pays afin de lutter contre la surpopulation carcérale. Au 1er avril, 82.921 personnes étaient détenues dans les prisons françaises, pour un total de 62.358 places opérationnelles, soit une densité carcérale globale de 133%.

"Il n'y a pas de tabou là-dessus", a-t-il ajouté, face au maire de Béziers Robert Ménard, appuyant une idée déjà émise par le ministre de la Justice Gérald Darmanin.

Si Emmanuel Macron n'a pas précisé les pays dans lesquels cette solution pourrait être mise en oeuvre, il pourrait bien prendre exemple sur d'autres États qui ont déjà eu recours à cette opération. À commencer par le voisin belge.

Entre 2010 et 2016, Bruxelles a loué la prison de Tilbourg aux Pays-Bas, à proximité de la frontière. Alors que les premiers détenus sont transférés en février 2010, le ministre de la Justice de l’époque, Stefaan De Clerck explique sur le perron de l'établissement que le "droit belge" s'y applique, "avec un directeur belge et du personnel hollandais", rappelle la radio-télévision belge RTBF.

"Le personnel hollandais a reçu une formation pour appliquer le droit belge ici au sein de la prison", avait-il alors précisé. Au total, 650 détenus ont été transférés dans l'établissement pénitentiaire néerlandais, rattaché à la prison de Wortel en Belgique.

Coût, mauvaise réinsertion des prisonniers...

Mais rapidement, des critiques ont émergé. Premièrement, sur le coût engendré: le gouvernement belge a débloqué 300 millions d'euros pour cette location. Le transfert des détenus pour assister à leurs audiences en Belgique était aussi "particulièrement coûteux", souligne sur la RTBF, Juliette Moreau, avocate et membre de l’Observatoire International des Prisons (OIP), très investie sur le dossier à l’époque. "C’était une catastrophe totale".

Les conséquences sur la réinsertion des détenus transférés ont aussi été pointées du doigt, comme le maintien de leurs liens familiaux. "Ça a désinséré complètement les personnes qui ont été mises à l’écart. Il n’y avait pas de politique de réinsertion possible. Pas de visite des familles non plus (...) Outre la problématique des langues, évidemment", énumère l'avocate Juliette Moreau. Les rendez-vous avec les avocats étaient également plus compliqués.

Si les détenus devaient être, sur le principe, volontaires et en fin de peine, "la sélection s’est révélée hasardeuse", reconnaît auprès de Ouest-France, Marc Nève, président du Conseil central de surveillance pénitentiaire (CCSP) en Belgique.

L’Observatoire international des prisons avait qualifié le dispositif de "colonie pénitentiaire", rappelle RTL.

Malgré ces critiques, la Belgique semble vouloir réitérer l'expérience. Selon l'agence de presse belge Belga, Bruxelles étudie la possibilité de louer ou de construire des établissements pénitentiaires dans un autre État européen pour accueillir les ressortissants étrangers purgeant une peine dans son pays. Le Kosovo est une piste sérieuse, selon la ministre de la Justice, Annelies Verlinden. Le Danemark a récemment signé un accord avec le Kosovo pour leur louer 300 places de prison.

Juliette Brossault