Présidentielle: l'élection peut-elle être invalidée si les professions de foi n'arrivent pas à temps?

Tracts de candidats à la présidentielle, le 6 avril 2022 à Marseille - Nicolas TUCAT © 2019 AFP
L'absence de propagande électorale pourrait-elle faire invalider l'élection? À J-3 du premier tour de la présidentielle, plus de la moitié des électeurs n'ont toujours pas reçu les professions de foi des candidats, en raison d'un délai dans la distribution dont La Poste est chargée. Ce retard d'une ampleur potentiellement inédite pourrait avant tout contribuer à renforcer un "sentiment d'inéquité" au sein de la population française, selon un expert.
Une "obligation d'envoi, pas de réception"
Cela fait partie du rite électoral. À quelques jours d'un scrutin, qu'il soit local, national ou européen, l'ensemble des votants reçoivent un courrier contenant l'ensemble des documents de propagande électorale présentant les programmes de chacun des candidats.
Plus qu'une tradition, il s'agit d'une obligation imposée à la commission de propagande électorale pour toutes les communes d'au moins 2500 habitants, selon l'article L241 du Code électoral. Dans les communes plus petites, l'envoi est à la charge des candidats eux-mêmes.
En raison du retard de nombreux courriers, le scrutin pourrait-il être invalidé cette année? Pas de risque, selon le professeur de droit public Jean-Philippe Rosier. "Il faudrait prouver que la commission n'a pas rempli son obligation, or son obligation concerne l'envoi, pas la réception (de la propagande électorale), donc a priori il n'y a pas de problème", explique-t-il à BFMTV.com.
"Aujourd'hui, il y a d'autres moyens de s'informer", ajoute-t-il, évoquant à la fois les médias traditionnels et Internet. "On connaît la date des élections et les candidats" sans même avoir reçu la propagande électorale, estime-t-il.
Le site de la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale recense notamment la liste des candidats et leurs professions de foi, par écrit et en audio, pour ceux qui ne les auraient pas reçues.
"Un sentiment d'inéquité"
Le fait que la majorité de la population soit toujours sans profession de foi constitue cependant un "vrai problème" pour Michel Verpeaux, professeur émérite de droit public à l’université Panthéon-Sorbonne.
"Ce n'est pas normal que certains les aient reçus et d'autres pas. Il faudrait les recevoir une semaine (avant le scrutin) au plus tard", estime-t-il auprès de BFMTV.com, évoquant une possible "différence d'appréciation" de certains candidats, moins connus du grand public.
Il rappelle par ailleurs que le papier "reste un moyen de communication important pour les personnes âgées". "Pour les jeunes, c'est moins un obstacle" à aller voter, selon lui.
Mais pour le professeur de droit, ce retard pose avant tout question sur la perception que les citoyens pourraient avoir de la politique et de la démocratie.
"Ça entretient un sentiment d'injustice et d'inéquité", s'inquiète-t-il.
Pas une première
D'autres élections ont déjà connu des retards similaires. En 2017, plus des trois-quarts (76%) des préfectures avaient rapporté des dysfonctionnements à ce sujet (allant du retard aux courriers incomplets), selon une étude commandée par le bureau des élections et des études politiques du ministère de l’Intérieur.
Le problème s'était reproduit en 2021 pour les élections régionales et départementales, au point que l'Etat avait choisi de ne plus faire appel par la suite à l'entreprise Adexo et plutôt à La Poste pour la distribution des courriers. Pour l'instant, sans succès.
Gérald Darmanin a refusé de parler de retard ce jeudi sur BFMTV, assurant que la propagande électorale avait "jusqu'à samedi", soit la veille du vote, pour être distribuée. "Tous les Français la recevront", a assuré le ministre de l'Intérieur.