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EDITO - Retraites: "Macron a ouvert une période de flou dans laquelle tout le monde s'est engouffré"

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Sous pression après plusieurs jours de mobilisation, l'exécutif s'apprête à lever le voile mercredi sur une réforme des retraites encore floue. Nos éditorialistes analysent la stratégie gouvernementale pour tenter de mener à bien cette réforme, tout en tenant compte de la contestation populaire.

Deux jours avant les annonces d'Édouard Philippe sur la redoutée réforme des retraites, et alors que la grève interprofessionnelle et les manifestations se poursuivent depuis jeudi dernier, le gouvernement tente péniblement d'éteindre l'incendie. Nos éditorialistes politiques analysent la stratégie adoptée par le gouvernement afin de tenir le difficile équilibre visant à la fois à satisfaire une partie des mécontents, tout en gardant l'essence de la réforme envisagée.

Ce lundi, plusieurs voix se sont levées pour dénoncer "un manque de clarté" du gouvernement sur cette réforme. Le porte-parole du Medef Fabrice Le Saché a d'ailleurs reproché à l'exécutif l'absence de mesures claires. C'est, selon lui, ce qui "mobilise les gens, parce qu'ils ne savent pas". Dans une tribune au Monde, des économistes proches d'Emmanuel Macron ont également appelé à davantage de "clarté".

> Christophe Barbier: "Le gouvernement compte sur l'essoufflement du mouvement" 

"Il y a une espère de guerre d'usure. Du côté du gouvernement, on compte sur l'essoufflement du mouvement, et puis on espère que l'opinion se dise mercredi: 'oh eh bien finalement il y a assez de choses rassurantes dans les annonces d'Édouard Philippe, arrêtons cette grève'.
Ils veulent aussi essayer de piéger les syndicats les plus radicaux, en les prenant à leurs propres contradictions. La CGT dit ne pas faire grève pour les cheminots ou les conducteurs de la RATP, mais pour tous les salariés. Or ils oublient de parler des agriculteurs ou des travailleurs précaires qui risquent d'être favorisés par ce système, ils sont donc dans un combat corporatiste. Mais ça n'excuse pas le gouvernement, qui a fait preuve d'un amateurisme technique, avec ces discussions cacophoniques dès le début des négociations." 

> Apolline de Malherbe: "Macron a ouvert une période de flou dans laquelle tout le monde s'est engouffré" 

"En façade, tout le monde assure qu'il est déterminé. Les syndicats assurent qu'ils iront jusqu'au bout, le gouvernement aussi. Édouard Philippe confiait d'ailleurs ce week-end au Journal du Dimanche à quel point il était déterminé.
La vraie question, c'est ce qui s'est joué début septembre. Le rapport Delevoye avait été l'objet de 18 mois de concertation et tout le monde avait été plutôt satisfait, le dialogue avait été plutôt fécond. Or quand Jean-Paul Delevoye remet sa copie au début de l'été et qu'on entrevoit les premières pistes, Emmanuel Macron donne une interview au G7. Et étonnamment, à ce moment-là, il affirme que le rapport Delevoye n'est pas un aboutissement mais un point de départ, que tout est encore sur la table. De ce point de vue là, Emmanuel Macron est donc un peu responsable de cette période de flou qu'il a ouverte, et dans laquelle tout le monde s'est engouffré, et notamment toutes les inquiétudes des Français."

> Anna Cabana: "Une opération de déminage de la contestation assez illisible pour les Français

"Jean-Paul Delevoye était, ce lundi, censé présenter "les conclusions d'une phase de concertation". On voit bien là que nous sommes dans un plan de communication politique, une opération de déminage de la contestation qui est assez illisible pour les Français. Le rôle de Delevoye était aujourd'hui de faire acte de l'immense bonne volonté de ce gouvernement qui n'en finit pas de concerter, à tel point que ces concertations vont se poursuivre par-delà les annonces du Premier ministre, jusqu'au début 2020. Il y a là quelque chose d'assez cocasse, et qui n'est en rien rassurant pour les syndicalistes".
Jeanne Bulant