Drapeau européen comme symbole religieux: Mélenchon "frise la théorie du complot"

Le drapeau européen, symbole que la France Insoumise ne voudrait plus voir à l'Assemblée nationale. - AFP
Qu'est-ce que vous inspire la volonté de Jean-Luc Mélenchon de retirer le drapeau européen de l'hémicycle et le tapage que cet amendement - déposé puis rejeté - a suscité?
Yves Bertoncini, Mouvement européen France (*) : Je pense que la France Insoumise est dans l'excès. Il faut se demander qu'elle a été l'intention des Etats qui ont adopté ce drapeau. Il n'y avait aucune intention confessionnelle. Il y a même eu un projet de drapeau avec une croix que la France a rejeté. Donc j'ai envie de dire que la défense de la laïcité n'a pas attendu Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise. Ils frisent ici la théorie du complot ou le Da Vinci Code à l'européenne.
Arsène Heitz, celui qui a dessiné le drapeau que nous connaissons, a certes dit s'être inspiré de la médaille miraculeuse de Marie entourée de 12 étoiles. On le sait, c'est documenté. C'est une inspiration. Avec cette logique de procès, que doit-on alors faire du drapeau de la France qui reprend le blanc de la monarchie? Arsène Heitz n'a en revanche jamais parlé des 12 apôtres comme le fait aujourd'hui Clémentine Autain.
Ce drapeau ne nous rappelle rien d'autre que notre appartenance à l'Union européenne. Donc si cette appartenance pose problème à Jean-Luc Mélenchon, il faut en parler en ces termes, sur le fond.
Que révèle une telle polémique, dans le fond justement ?
La première chose que ça dit est que Jean-Luc Mélenchon ne peut s'empêcher, mais comme Nicolas Dupont-Aignan ou Florian Philippot le font aussi, de revenir au référendum de 2005 lorsque les Français ont dit non à la Constitution. A la suite de quoi, les Etats ont tenu compte de ce choix et n'ont pas repris dans le traité de Lisbonne les symboles présents dans la Constitution comme le drapeau. Ce référendum de 2005 est la seule victoire qu'un Jean-Luc Mélenchon a obtenu au niveau national. Il se raccroche donc à ce scrutin populaire pour gagner en légitimité.
Mais le combat laïque qu'il mène est un faux débat. Il a trouvé-là un moyen de faire parler de lui et peut-être de reprendre le fond europhobe que le FN ne porte plus depuis que le parti est en difficulté et qu'il a abandonné le thème de l'abandon de l'euro. Il joue aussi sur un registre de l'extrême gauche bien connu : le créneau du peuple contre les élites, ici européennes.
Est-ce qu'il y a du positif dans cette question soulevée autour du drapeau? Est-ce que cela a fait avancer quelque chose sur le sujet européen ?
Finalement grâce à Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron a décidé de signer la déclaration 52 annexée au traité de Lisbonne qui reconnait solennellement le drapeau européen. C'est un message fort qui est envoyé de la part de la France. Sans Jean-Luc Mélenchon, il est certain que l'on aurait dû encore attendre. Par son outrance, Jean-Luc Mélenchon donne donc de l'éclat politique à une décision que nous demandions depuis longtemps au Mouvement européen.
Cette question évacuée, permettra, je l'espère, de parler désormais des vrais sujets et il y a en a beaucoup pour améliorer l'Europe. Nous sommes les premiers à le dire. Et si Jean-Luc Mélenchon veut faire changer les choses, je l'encourage à s'impliquer dans sa fonction parlementaire et législative. Faute est de constater qu'on ne le voyait pas beaucoup à Strasbourg quand il était eurodéputé et qu'il est en minorité aujourd'hui pour cela à l'Assemblée nationale.
(*) Le Mouvement européen dit s'engager en faveur de la construction européenne et du débat public. Il a d'ailleurs été à l'origine d'une proposition de drapeau dans les années 1950 avec un "E" vert sur fond blanc. Mais cette idée n'a pas été retenue.