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Conférence de presse de Hollande: quelles seront les clés de sa réussite?

François Hollande donnera jeudi une conférence de presse.

François Hollande donnera jeudi une conférence de presse. - Christian Hartmann - AFP

François Hollande donnera jeudi une conférence de presse très attendue, sa quatrième. Le président devrait revenir sur la constitution du gouvernement Valls 2, mais aussi sur le vote de confiance de l'Assemblée, le livre de Valérie Trierweiler... Comment réussir un tel exercice? Réponses d'experts.

Le chef de l'Etat prendra la parole jeudi à l'occasion d'une conférence de presse très attendue. François Hollande devrait notamment revenir sur l'éviction d'Arnaud Montebourg, le livre de son ex-compagne Valérie Trierweiler, la formation du gouvernement Valls 2, le vote de confiance...

Comment le chef de l'Etat peut-il réussir cet exercice qui s'annonce compliqué et redorer son image, alors que les mauvais sondages s'accumulent? BFMTV.com a recueilli les conseils et attentes de Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS, de Thomas Guénolé, politologue, de Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop, de Dan Bilefsky, journaliste au New York Times et d'Alexis Bachelay, député PS.

L'avis de Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS

"Ce que j'attends ne sera pas forcément au rendez-vous", craint d'emblée Marie-Noëlle Lienemann, qui conteste l'orientation économique du gouvernement de Manuel Valls. Néanmoins, la sénatrice PS estime que le président de la République devra montrer des signes d'ouverture en direction de la partie contrariée de sa majorité:

"Il devra faire place au dialogue avec les forces politiques et syndicales qui ont fait sa victoire en 2012."

Pour réussir sa conférence de presse, François Hollande devra également adresser un message clair sur la construction européenne, assure Marie-Noëlle Lienemann. "Les Français attendent une réorientation, pas un rideau de fumée", indique la sénatrice. Marie-Noëlle Lienemann estime donc que le Président devra engager jeudi un "rapport de force" avec ses partenaires européens, notamment l'Allemagne.

Enfin, la sénatrice attend de la conférence de presse qu'elle permette une clarification sur les baisses d'impôts. "J'aimerais que François Hollande remette sur le métier sa proposition de réforme fiscale d'ampleur, pour permettre une fiscalité plus juste."

L'avis de Thomas Guénolé, politologue

"Pour réussir sa conférence de presse, François Hollande devra s'inspirer du discours de politique générale de Manuel Valls, c'est-à-dire être clair et précis, sortir de la langue de bois", estime Thomas Guénolé. S'agissant des thèmes que devra aborder le Président, le politologue estime que ce dernier devra ne pas se tromper de sujet:

"Il ne devra pas confondre ce qui préoccupe la bulle (médiatique et politique, ndlr) et ce qui préoccupe la population, à savoir le chômage, l'éducation, la santé, l'insécurité, le pouvoir d'achat, les impôts…"

Le chef de l'Etat devra également respecter le "message clair et compris par les Français", qui est "une sorte de quitte ou double social-libéral": "François Hollande devra rester cohérent et ne devra pas nuancer son propos". Thomas Guénolé estime que le chef de l'Etat pourrait aussi tenter de "prendre le risque" d'entamer un "bras de fer" avec l'Allemagne sur la question européenne. Une initiative qui lui permettrait de renouer avec les membres de la majorité qui lui tournent le dos et l'extrême gauche (c'est d'ailleurs une des demandes de Marie-Noëlle Lienemann).

Sur l'affaire du livre de Valérie Trierweiler, Thomas Guénolé estime que François Hollande devra être rusé: "On ne sort jamais gagnant en évoquant ces sujets-là". A moins de ne pas parler du fond: "Il pourrait dire qu'en tant que journaliste, son ex-compagne avait le devoir déontologique de ne pas révéler la vie privée de 'François Hollande'."

L'avis de Jérôme Fourquet, de l'Ifop

"Le président de la République doit recréer des conditions d'écoute, car il n'est plus audible par les Français", estime Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop. "François Hollande ne doit pas annoncer de nouveau cap, il serait dommageable d'en changer. Il faut rester cohérent", estime le sondeur, qui rejoint sur ce point l'analyse de Thomas Guénolé.

"Le Président doit montrer une détermination sans faille. Il doit arrêter les promesses car les précédentes n'ont pas été tenues. François Hollande doit passer du discours à la pratique. Il doit annoncer des mesures précises, concrètes, c'est-à-dire des mesures qui ont des traductions dans la vie des gens".

L'avis de Dan Bilefsky, journaliste au New York Times

  • "On attend de François Hollande qu'il s'exprime clairement sur la politique économique", estime Dan Bilefsky, correspondant européen pour le New York Times, basé à Paris. "Au moment de son élection en 2012, il était vu comme un homme de gauche, et aujourd'hui il est de plus en plus vu comme un homme libéral, même s'il ne veux pas vraiment le dire". Ce journaliste estime que François Hollande manque d'autorité:

"Il doit être présidentiel. S'il continue à osciller entre gauche et droite, alors cela sera un échec". 

Dan Bilefsky pense que le chef de l'Etat pourrait évoquer le cas de la lutte contre le Daesh (également appelé Etat islamique, ndlr): "Il est beaucoup plus respecté et impressionnant quand il parle de politique étrangère". Selon le journaliste, cette posture très "gaullienne" est également utilisée aux Etats-Unis par Barack Obama dès lors qu'il est en difficulté sur le plan intérieur.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul point commun entre les deux chefs d'Etat, estime Dan Bilefsky: "Ils ont tous les deux l'habitude d'utiliser un ton très professoral. François Hollande a fait l'ENA, Barack Obama a été à Harvard et a été prof de droit."

La conférence de presse sera donc réussie si le Président français se défait de son ton académique et de son obsession du "micro-détail". Cela est d'autant plus important selon Dan Bilefsky que Barack Obama peut parfois avoir beaucoup de "magnétisme" quand il s'exprime. "François Hollande n'a pas le même charisme", estime le correspondant du New York Times.

L'avis d'Alexis Bachelay, député PS

"Le président de la République doit dire la vérité, sans filtre", estime Alexis Bachelay. Ce député PS des Hauts-de-Seine estime que la "rentrée difficile" de l'exécutif oblige François Hollande à faire preuve de pédagogie.

"Le Président doit dire que nous sommes confrontés à une série de crises internationales, qui, couplées à la crise économique, durable et persistante, constituent un terreau favorable à la défiance et au rejet des hommes politiques, à la hausse des populismes".

"S'il arrivait à rassurer les Français en leur disant qu'il est conscient que la période est anxiogène, ce serait bien", continue Alexis Bachelay. "François Hollande doit remettre les choses dans leur contexte", notamment s'agissant d'aborder la question de la politique étrangère. Le Président devra évoquer la question de "l'Ukraine", mais aussi celle de l'Europe, des "rapports avec l'Allemagne", tout en faisant le "lien avec la situation économique en France".

Le chef de l'Etat ne devra pas ignorer les questions privées, estime le député PS: "Il aura à coeur de donner sa version des faits sur les attaques dont il a été victime. Il ne devra pas éluder ces questions, au contraire, il devra les purger rapidement".

Maxence Kagni