Ayrault vote Sarkozy

Hervé Gattegno - -
Jean-Marc Ayrault a beau mettre en avant le soutien à François Hollande, c’est bien la continuité avec Nicolas Sarkozy qu’il propose à sa majorité. Le traité qu’il a défendu hier, c’est celui qui a été négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel - soit, au mot près, celui que F. Hollande avait juré de renégocier. Avec juste en plus un pacte de croissance sans grande valeur juridique ni ampleur financière : 0,5% du budget européen. Donc c’est un traité made in Sarkozy-Merkel. De fait, Jean-Marc Ayrault l’a défendu avec plus de raison que de passion. Et la droite va le voter avec moins d’états d’âme que la gauche.
Au fond, François Hollande et Jean-Marc Ayrault auraient préféré ne pas défendre ce texte - et notamment la fameuse « règle d’or » budgétaire ?
Les deux lectures sont possibles : soit ils pensaient vraiment faire plier l’Allemagne et ils ont péché par naïveté ; soit ils ont bluffé le temps de la présidentielle et ils ont péché par rouerie. Le fait est qu’à l’arrivée, le traité est à prendre ou à laisser - parce que plusieurs pays européens l’ont déjà adopté et que si la France le rejetait, elle se mettrait de facto en dehors de l’Europe. Donc François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont raison de faire le choix de la raison. En revanche, l’idée de plaider qu’on peut adopter la règle d’or parce qu’elle ne sera pas contraignante laisse pantois - ça revient à dire aux députés : vous pouvez voter le texte parce qu’il n’aura aucun effet. Ça, c’est de la mobilisation !
Jean-Marc Ayrault n’a pas voulu soumettre sa déclaration européenne à un vote de confiance des députés. A-t-il eu tort ?
C’est un calcul compréhensible. Lui et François Hollande savent qu’il sera déjà difficile de faire plier les socialistes récalcitrants. Ils n’ont pas voulu leur donner une occasion de voter le soutien au gouvernement pour mieux voter ensuite contre la ratification du traité - on voit que la confiance règne… dans les deux sens. L’autre signe, c’est la discrétion de François Hollande, qui est très pressé de tourner cette page délicate et qui laisse son Premier ministre se débrouiller seul avec son autorité et son charisme naturels. Si ça marche, c’est que la discipline majoritaire est plus efficace que la discipline budgétaire.
Dans une tribune publiée dans Le Monde, Daniel Cohn-Bendit et José Bové reprochent à François Hollande de ne pas tracer de perspective européenne. Est-ce vrai ?
Oui. Voilà 20 ans que les politiques français ont renoncé à toute pédagogie européenne – à l’exception notable de Cohn-Bendit. Il ne faut pas s’étonner que dans l’opinion, ce soit la défiance qui domine. Jean-Marc Ayrault ne plaide pas pour un nouvel élan mais pour une « étape nécessaire » – autant dire un passage obligé. Ce n’est pas l’Europe pour le mieux, mais faute de mieux. Le traité sera ratifié mais c’est une nouvelle occasion manquée. Pour ce qui est du « paquet européen », on ne pourra pas dire que François Hollande aura mis le paquet ! Ou alors un paquet de plomb…
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