37% des Français sûrs d'aller voter ne savent pas encore pour qui: comment se décident les indécis?

Le chiffre interpelle. Parmi les Français se disant certains d'aller voter dimanche au premier tour de la présidentielle, ils sont 37% à concéder qu'ils ne savent pas encore qui sera l'heureux élu de leur bulletin. Ils étaient 28% à la même époque avant le scrutin de 2017. Telles sont en tout cas les statistiques contenues par l'enquête Ipsos pour Le Monde, le Cevipof et la Fondation Jean-Jaurès parue lundi dernier.
Mais comment ces indécis du dernier moment arrêteront-ils leurs choix? Pour les prétendants à l'Élysée et au second tour, l'enjeu est primordial.
"Ce sera sur un coup de tête je pense", avoue ainsi une électrice parisienne rencontrée par BFMTV, illustrant ainsi cette indécision. Un exemple qui ne surprend pas le spécialiste en communication politique, Philippe Moreau-Chevrolet. Ce dernier, s'exprimant sur RMC, décrit les facteurs qui mènent à la "cristallisation", soit le moment où un électeur arrête sa décision pour, en principe, ne plus en déroger.
"On peut fermer les yeux et voir le candidat qu'on aime le plus - au final, c'est souvent ça qui fait le vote, on fait sa propre synthèse; lire les programmes; et faire une liste disant 'je gagne tant de revenus, j'habite à tel endroit, ce qui est important pour moi, c'est ça, ça et ça. Quel candidat semble me défendre le mieux?'" énumère l'expert.
Un rapport à politique totalement changé
La crise de la confiance placée dans la politique et le recul des engagements partisans retardent la détermination d'une part de l'électorat. "La cristallisation, c'est le 10 avril!" sourit Mathieu Gallard, directeur d'études à Ipsos, interrogé ici par Le Journal du dimanche. Il ajoute: "Il y a plusieurs décennies, on pouvait voter à vie pour le même camp. Notre rapport à la politique n'est plus du tout le même aujourd'hui, alors même qu'il existe une plus grande fragmentation de l'offre".
Une étude réalisée par l'Ifop en 2017, citée par le JDD, a d'ailleurs relevé que lors de ce scrutin, 15% des électeurs s'étaient décidés l'ultime dimanche, 21% durant le week-end, et 35% durant la dernière semaine précédant le vote. Ce n'est pas donc un hasard si le sprint final entamé par les candidats ces derniers jours est présenté comme crucial par bien des commentateurs.
La dynamique finale joue à plein
Dans cette perspective, un autre facteur joue un rôle important: les fameux sondages. C'est en tout cas l'opinion de Benjamin Morel, maître de conférences à l'Université Panthéon-Assas, comme il l'explique sur notre antenne:
"Grosso modo: un candidat est en dynamique, c'est celui qui est le plus proche de mes idées parmi les candidats ayant une chance de l'emporter; donc je vais voter pour lui. Ce sont plutôt des électeurs qui vont enrichir des candidats qui sont déjà dans le haut du panier en termes sondagiers."
Trois candidats peuvent donc actuellement espérer profiter de ce phénomène et voir les indécis les plus proches de leur famille politique basculer finalement vers eux: Marine Le Pen, à l'extrême droite, qui ne cesse de réduire l'écart avec le sortant, Jean-Luc Mélenchon, dont on a constaté la montée en puissance à gauche au cours des dernières semaines, et sans doute Emmanuel Macron, dont la cote est en déclin mais qui domine toujours largement ses concurrents dans les sondages.
Une indécision inégale
Mais l'indécision est inégale selon le bord où l'on se place. Ainsi, d'après l'enquête Ipsos, sur dix électeurs envisageant de voter pour Yannick Jadot ou pour Anne Hidalgo, ils sont six à pouvoir encore vaciller et faire un autre choix, mais ils ne sont que 33% parmi les sympathisants de Valérie Pécresse et 25% parmi les soutiens d'Eric Zemmour.
Le gain potentiel paraît donc plus maigre pour Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Ceux-ci pourront toutefois se consoler en constatant la stabilité de leur socle. Selon notre dernier sondage "Opinion 2022" réalisé par l'institut Elabe pour BFMTV et SFR, les électeurs les plus sûrs de leur choix sont en effet ceux de la représentante du Rassemblement national à l'élection (84%) et du président de la République (82%).
Un autre élément, et pas des moindres, sera particulièrement à surveiller: l'abstention. Candidats, sondeurs et observateurs craignent ainsi taux lorgnant sur les 30% des inscrits dimanche au premier tour de la présidentielle. Un effondrement de la participation qui risque de constituer un pic historique, similaire au niveau enregistré en 2002.
