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Police-Justice

Violences conjugales: comment faire respecter une interdiction d'entrer en contact?

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Si l'interdiction d'entrer en contact est une mesure juridique claire pour protéger les victimes des violences de leur bourreau, il est plus difficile d'assurer cette proscription dans la réalité, en particulier à cause d'un manque de moyens.

Samedi soir, une femme a été tuée par balles à Vidauban, dans le Var. Le principal suspect du meurtre est son époux, qui l'avait menacée plus tôt avec un couteau, avant de revenir muni d'une arme à feu, d'après ce que la victime avait déclaré aux gendarmes. Il avait pourtant été "interdit d'entrer en contact avec son épouse", déclare le procureur de Draguignan.

D'après le procureur-adjoint, les gendarmes étaient déjà intervenus pour des faits de violences à ce domicile et le mari était depuis peu "sous main de justice dans le cadre d'un contrôle judiciaire à la suite d'un défèrement pour un problème de violences conjugales".

Malgré ces différents signalements, éloignements et prises en main judiciaire, il a pu menacer sa compagne, voire la tuer, "selon les premières hypothèses", du parquet. 

L'intervention de professionnels

"L'interdiction d'entrer en contact vient garantir qu'en cas de problème, la gendarmerie intervient", explique à BFMTV.com Nathalie Rocailleux, directrice de l'AFL (Association Familiale Laïque) Transition dans le Var, une association venant en aide aux femmes victimes de violences conjugales. Mais bien évidemment "cette seule décision juridique ne suffit pas, le tribunal n'est pas tout puissant", explique-t-elle.

Psychologues, assistantes sociales, centres d'accueil pour mises à l'abri... En plus de la protection des forces de l'ordre et de la décision juridique, un maillage de spécialistes est nécessaire pour que ces femmes soient complètement protégées, selon la directrice de l'AFL.

"Le problème, c'est que sur la zone de Draguignan [incluant Vaudiban ndlr], on manque de professionnels. Notre association n'y tient qu'une permanence une demi-journée par semaine, on fait du ponctuel, ce n'est pas suffisant pour faire du suivi", explique Nathalie Rocailleux.

La mise à l'abri

La directrice souligne notamment qu'il n'existe pas d'assistante social de gendarmerie sur ce secteur pour le moment. Or, "c'est elle qui recommande et met en place une mise à l'abri dans ce genre de cas".

Si une interdiction d'entrer en contact avait été établie, le mari était en revanche "autorisé à ne se rendre au domicile que pour les seuls besoins de son exercice professionnel", explique le procureur. "Je n'ai jamais vu cette situation", souligne Nathalie Rocailleux, selon qui, au vu de la présence potentielle de l'agresseur, la victime "aurait dû être mise à l'abri à l'extérieur".

Lors d'une première intervention, samedi soir, les gendarmes avaient d'ailleurs conseillé à la femme de quitter son domicile et se réfugier chez sa famille, "mais ce n'est pas leur travail", précise Nathalie Rocailleux.

Et même en cas d'une décision de mise à l'abri, difficile de trouver des places dans des centres dédiés, "donc ces femmes vont par exemple dans des hôtels sociaux, qui ne sont pas sécurisés, alors que dans les centres de mises à l'abri, il y a une protection à l'entrée", souligne la directrice de l'AFL.

Des outils de protection

Il existe d'autres outils de protection pour les femmes victimes de violences conjugales, comme les "Téléphones grave danger". "Il s’agit d’un téléphone portable disposant d’une touche dédiée, permettant à la victime de joindre, en cas de grave danger" les forces de l'ordre, explique le site du ministère de la Justice.

Cependant, il y a seulement "15 téléphones de ce type dans le Var, et on est le département le mieux pourvu", déclare Nathalie Rocailleux.

Les conditions d'obtention de cet outil sont également limitées, et décrites dans l'article 41-31-1 du code de procédure pénale. Ce téléphone peut ainsi être attribué seulement "en cas de grave danger", "en l'absence de cohabitation entre la victime et l'auteur des violences et lorsque ce dernier a fait l'objet d'une interdiction judiciaire d'entrer en contact avec la victime".

Des moyens limités

Il existe également l'application App-Elles, qui permet d'alerter et de contacter rapidement ses proches, les associations, des secours... Ou encore le numéro d'écoute national 39 19, destiné aux femmes victimes de violences.

Plus globalement, Nathalie Rocailleux dénonce un manque de moyens pour endiguer les violences conjugales. En octobre dernier, un collectif avait lancé une pétition pour réclamer plus de moyens pour la lutte contre les violences conjugales, rappelant qu'une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou de son ex-conjoint.

La directrice de l'AFL rappelle d'ailleurs que la seule permanence sur le secteur de Draguignan (une demi-journée par semaine) s'apprête à être fermée.

Salomé Vincendon