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Police-Justice

Tireur solitaire: "Un terroriste aurait des revendications, une cause"

Pourquoi n'a-t-on pas un instant parlé de terroriste à son sujet?

Pourquoi n'a-t-on pas un instant parlé de terroriste à son sujet? - -

INTERVIEW - Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement et spécialiste du terrorisme, explique pourquoi on ne peut pas parler de "terrorisme" dans le cas du tireur en fuite.

La traque du tireur solitaire continue à Paris, alors que les recherches sur l'ADN retrouvé n'ont pas donné de piste tangible: le suspect n'est pas fiché. Pendant ce temps, de plus en plus de personnes s'interrogent sur sa qualification par les médias. Pourquoi ne pas parler de terrorisme?

Première réponse: ce n'est pas le parquet anti-terroriste qui a été saisi de ce dossier. Alain Rodier, directeur de recherche au Centre français de recherche sur le renseignement, nous explique pourquoi.

Peut-on qualifier le tireur de "terroriste"?

Etant donné son modus operandi, ça ressemble à un tireur fou, un malade mental, plutôt qu'un acte preparé dans un but politique ou religieux, par exemple. Il semble que, vu ce que l'on sait de cette affaire, nous sommes ici dans le cas de droit commun.

A priori il ne s'agit même pas d'un crime, qui implique un objectif tel que tuer un dealer concurrent ou faire un casse et tuer les gardiens, par exemple. Je fais une différence entre l’individu qui pète un câble et celui qui a un but précis, notre individu n’a pas l’air d’avoir d’objectif, de défendre une cause ni de rechercher un profit.

Où finit le droit commun et où commence le terrorisme?

La frontière, c’est dans la motivation et dans le dérangement du cerveau de l’individu qu'on la trouve. Ici, on avait l’impression avec les deux premières actions que c’était la presse qui était visée. Mais avec la troisième action, à la Société Générale, on s’interroge beaucoup sur la motivation. De plus, si cela avait vraiment été un acte terroriste, je crois qu’il y aurait eu plus de morts. A BFMTV, à La Défense, il aurait pu tuer des gens.

Un acte terroriste est fait pour terroriser. J’enfonce une porte ouverte, bien sûr, mais on terrorise pour faire connaître une cause alors que pour le moment, le tireur n’a pas fait de revendication quelle qu’elle soit. Donc cela semble rentrer plutôt dans le cas forcené de droit commun.

Merah par exemple n’était pas dérangé, pas dans ce sens-là. Il faudrait définir ce qu’est être normal, mais il y avait une logique chez Merah, c’était très ciblé. Ici, il y a apparemment une flagrante incohérence qui me fait penser à un forcené.

Je comparerais cette histoire aux forcenés qu'il y a aux Etats-Unis, qui tirent dans la foule. On découvre souvent après coup qu'il y a des raisons personnelles, que ces personnes étaient dérangées.

La définition de terroriste a-t-elle à voir avec l'arme utilisée ou le nombre de victimes?

Non, ce n’est pas tellement l’emploi d’un moyen particulier. Prenons l'exemple d'Unabomber, il n’avait pas de raison particulière d'agir, c’était un droit commun, il a toujours été considéré comme tel et pourtant il utilisait une bombe.

Pour Boston, on a été un peu rapides pour attribuer le label de terroriste mais l’enquête a confirmé ensuite cette appellation. Dans le cas du tireur parisien, il utilisait un fusil à pompe qui en réalité n'est qu'un fusil de chasse, pourtant totalement interdit en France. Heureusement qu’il n’avait pas une kalachnikov, une arme qui est à la mode aujourd’hui, notamment chez les terroristes, car ça aurait pu être beaucoup plus dramatique. Mais ça n'aurait pas fait de lui un terroriste pour autant.

Olivier Laffargue