Rétractation de Ziad Takieddine: Nicolas Sarkozy doublement mis en examen

Il aura été cuisiné trois jours dans le bureau des juges d'instruction. Au terme de cet interrogatoire de longue haleine, les juges d'instruction en charge du volet sur les rétractions de Ziad Takieddine dans le cadre de l'affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007 ont estimé qu'il y avait suffisamment d'indices graves ou concordants à l'encontre de Nicolas Sarkozy.
L'ancien président de la République vient d'être doublement mis en examen pour "recel de subordination de témoin", à savoir Ziad Takieddine, et "association de malfaiteurs en vue de commettre une escroquerie au jugement en bande organisée". Les juges d'instruction le soupçonne d'avoir voulu tromper les magistrats ayant à statuer dans l’information judiciaire relative aux soupçons de financement libyen de sa campagne électorale.
Il est par ailleurs placé sous le statut de témoin assisté pour "association de malfaiteurs en vue de commettre l'infraction de corruption active".
"Nicolas Sarkozy est fermement décidé à faire valoir ses droits, établir la vérité et défendre son honneur", ont fait savoir ses avocats dans un communiqué, estimant que pour "la plus grave des infractions initialement envisagées", "il n'existe aucun indice le mettant en cause".
Déclarations constantes
Alors qu'un procès doit se tenir en 2025 sur des soupçons de financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi, un autre dossier pendant a éclaté. En novembre puis en décembre 2020, dans Paris-Match et BFMTV, Ziad Takieddine déclarait: "Monsieur Sarkozy n’a pas eu un financement libyen pour la campagne présidentielle. Je le dis haut et fort. Le juge a bien voulu tourner ça à sa manière et me faire dire des propos qui sont totalement contraires aux propos que je dis ou que j’ai toujours dits." Une enquête avait alors été ouverte.
Ces propos vont à l'encontre des déclarations constantes - à l'origine de l'affaire - qu'il tient depuis 2016, clamant avoir remis, en 2006 et 2007, trois valises d'argent libyen - pour un total de cinq millions d'euros - à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. Ce qu'ils ont toujours nié. Ces déclarations, et d'autres éléments de préocédure- ont valu à treize personnes dont Ziad Takkiedine et Nicolas Sarkozy d'être renvoyé devant le tribunal correctionnel. L'ex-chef de l'Etat sera notamment jugé pour "association de malfaiteurs".
Une opération à 600.000 euros?
Comment expliquer alors ce volte-face, d'autant que Ziad Takieddine est revenu sur ses accusations à l'encontre de Nicolas Sarkozy quelques mois plus tard en janvier 2021 dans le bureau du juge d'instruction? La justice soupçonne que ce dernier a donné son aval pour qu'au moins huit personnes fassent pression sur le Franco-libannais, moyennant finance.
Puis, au premier semestre 2021, certains d'entre eux auraient tenté d'obtenir une preuve que le retentissant document libyen publié dans l'entre-deux-tours de la présidentielle 2012 par Mediapart et évoquant un financement à hauteur de 50 millions d'euros était un faux. Ou encore à corrompre des magistrats libanais pour qu'ils libèrent un fils Kadhafi détenu dans ce pays, afin que la famille du défunt dictateur libyen facilite la mise hors de cause de Nicolas Sarkozy.
La justice s'intéresse aux manoeuvres qui auraient été élaborées par au moins neuf protagonistes, impliqués à des degrés et moments divers: la reine des paparazzis Mimi Marchand, l'intermédiaire Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie, le défunt financier Pierre Reynaud, le puissant chef d'entreprise David Layani, etc.
Les enquêteurs ont chiffré à au moins 608.000 euros le montant de l’opération pour obtenir que l’intermédiaire Ziad Takieddine retire ses accusations contre Nicolas Sarkozy.