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Procès des viols de Mazan: la diffusion des vidéos sera désormais publique

La salle des pas perdus dans le palais de justice d'Avignon.

La salle des pas perdus dans le palais de justice d'Avignon. - Christophe Simon

Un débat s'est tenu ce vendredi matin devant la cour criminelle du Vaucluse alors que le président avait décidé que la diffusion des vidéos de viol ne serait plus systématique et à huis clos.

Faut-il montrer les vidéos des viols de Mazan? C'est la question qu'a dû trancher ce vendredi 4 octobre la cour criminelle du Vaucluse alors que les parties civiles avaient déposé des conclusions d'incident. Il y a deux semaines, le président de cette cour avait pris la décision que le visionnage de ces scellés ne serait plus systématique et se ferait à huis clos. Un huis clos pourtant refusé par Gisèle Pelicot en début de procès. Collégialement, la cour est revenue sur cette décision.

"Les diffusions ne seront pas systématiques, uniquement dans les cas strictement nécessaires à la manifestation de la vérité (...) ces diffusions seront précédées d'une annonce pour que toute personne sensible ou mineure puisse sortir de la salle."

Pour rappel, jeudi 19 septembre, la cour a visionné les premières vidéos des viols subis par Gisèle Pelicot. "Cunni et pipe Jacques", "pipe moi", et autres contenus aux titres évocateurs qui figuraient dans les dossiers de Dominique Pelicot. Sauf que le lendemain, le président de la cour criminelle décide que ce visionnage ne sera plus systématique et surtout à huis clos, en dehors de la présence du public et des journalistes, au motif que les "images sont choquantes et indécentes".

"Le viol est tellement choquant, tellement indigne, qu'en 2024 la société n'est toujours pas prête à le regarder droit dans les yeux", s'est interrogé Me Stéphane Babonneau, avocat de Gisèle Pelicot prenant la parole en premier dans ce débat qui s'est tenu ce vendredi. Au fil de sa plaidoirie, l'avocat est revenu sur les dispositions législatives permettant aux victimes de viol de refuser le huis clos, comme l'avait fait Gisèle Pelicot le 2 septembre dernier.

Pour la partie civile, les vidéos sont "l'essentiel" des débats. Sans ces vidéos, il n'y a pas d'affaire. Et dans les affaires de viol, c'est souvent du parole contre parole. "Une perception, c’est subjectif. Tout le monde peut en avoir une différente pour une même scène. La parole de Gisèle Pelicot, sur cette perception, nous ne l’aurons jamais, elle était inconsciente", rappelle Me Antoine Camus, le second avocat de la victime. Ne reste alors que les vidéos pour confirmer ou démentir les déclarations des accusés.

"Le pouvoir de changer les choses"

Chez Gisèle Pelicot, "il n'y a pas de volonté de vengeance", pas de volonté d'"assouvir un penchant exhibitionniste qu’elle n’assumerait pas". "Elle n'a aucune envie de voir cette vidéo, elle ne pense pas que ceux qui viennent assister aux débats veulent eux assouvir un penchant exhibitionniste", développe Me Babonneau. Alors pourquoi souhaite-t-elle à ce point un débat public? Là il faut en référer à une autre Gisèle, Gisèle Halimi, dont le combat avait permis, entre autres, la criminalisation des viols.

"Notre décision a le pouvoir de changer les choses, c’est dans les prétoires que se forge l’histoire", appuie Me Antoine Camus, le deuxième avocat de Gisèle Pelicot.

"Pour Gisèle Pelicot il est trop tard, le mal est fait, les 200 viols qu'elle a subis par plus de 60 hommes qui sont venus la violer dans sa chambre à coucher alors qu'elle était inconsciente, la brutalité des débats qui se tiennent dans cette salle elle devra vivre avec pour le restant de sa vie. Mais si ces mêmes débats, par leur publicité, permettent d'éviter que d'autres femmes aient à en passer par là même où Gisèle Pelicot est passée, alors elle trouvera un sens à sa souffrance."

"Un procès de la foule"

Et c'est là que la défense n'est pas d'accord. Me Paul-Roger Gontard, qui a pris la parole pour la plupart des avocats de la défense, a avancé ses arguments. D'abord, "est-ce que le visionnage des vidéos est utile pour la manifestation de la vérité? On peut considérer que non", tranche-t-il. Et visionner ces scellés en présence du public et de la presse ne reviendrait pas dans un procès pour meurtre, par exemple, à "faire circuler l'arme" du crime dans toute la salle?

Ce huis clos est pour la défense un moyen d'empêcher que se passe un deuxième procès en dehors de la salle, un procès de la foule". "Nous avons le droit à un procès équitable, que toutes les parties doivent avoir la possibilité d’exposer sa cause au tribunal d’une manière équitable, a hurlé Me Nadia El Bouroumi. C'est la possibilité pour nous de parler, intervenir, sans que systématiquement on nous rappelle que c’est une partie civile, sans qu’on ne soit taxé de garant de violeur. L'avocate médiatique sur les réseaux sociaux a déposé une plainte pour harcèlement.

"Nous transformons cette salle en lieu de voyeurisme, s'est emporté Me Olivier Lantelme, autre avocat de la défense. Que recherchez-vous, une tribune ne vous a pas suffi? Montrer la soumission chimique, un film ne vous a pas suffi?"
https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV