Procès Bygmalion: Nicolas Sarkozy condamné à un an de prison ferme, sous bracelet électronique

L'ancien président français Nicolas Sarkozy lors de la cérémonie de remise des insignes de Chevalier de la Légion d'honneur à la maire de Calais, à l'hôtel de ville de Calais, le 22 septembre 2021. - FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Nicolas Sarkozy n'aura assisté qu'à une seule audience entre le 20 mai et le 22 juin dernier. Un comportement qui lui avait valu les critiques du ministère public estimant qu'il prouvait la "désinvolture" de l'ancien chef de l'Etat vis-à-vis des faits qui lui sont reprochés. Ce jeudi, il n'avait d'ailleurs pas fait le déplacement pour entendre le tribunal correctionnel de Paris prononcer sa condamnation à un an de prison ferme pour "financement illégal de campagne électorale". Il est reconnu coupable d'avoir laissé sa campagne déraper.
"Nicolas Sarkozy connaissait le montant du compte de campagne. Son expérience de candidat lui avait même permis de prévenir son équipe du risque de dépassement", a estimé le tribunal correctionnel. "Il a poursuivi la réalisation des meetings, engagé des dépenses et volontairement omis, en qualité de candidat, d’exercer un contrôle sur les dépenses."
La cour a fait le choix de permettre l'aménagement de sa peine de prison, quelque chose de fréquent en France pour les peines de moins de deux ans. Mais le tribunal a fait le choix que cette peine se fasse à domicile sous bracelet électronique. A la sortie de l'audience, l'avocat de Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog, a indiqué que son client allait faire appel. Une fois que cet appel sera formé, la décision du tribunal correctionnel sera suspendue et l'ancien chef de l'Etat redeviendra présumé innocent jusqu'au prochain procès dans cette affaire.
Une peine plus lourde que les réquisitions
Le tribunal est donc allé plus loin que les réquisitions du parquet. Le 17 juin dernier, lors d'un réquisitoire sévère, la procureure avait requis un an de prison, dont 6 mois ferme, et 3750 euros d'amende à l'encontre de Nicolas Sarkozy, la peine la plus sévère pour les faits de "financement illégal de campagne électorale". Le tribunal a estimé qu'à partir du 18e meeting de campagne organisé pour le candidat Sarkozy en 2012, le plafond autorisé par la loi était dépassé.
"Chaque décision de procéder à un meeting supplémentaire constituait autant d'acte matériel positif de dépassement du plafond, a fait valoir la présidente du tribunal. Il n'était pas nécessaire que Nicolas Sarkozy donne son accord express ou préalable dans la mesure où les dépenses ont été approuvées par lui et dans la mesure où il en a profité."
Pour la cour, Nicolas Sarkozy connaissant le montant de ce plafond, connaissait les règles du jeu car "ce n'était pas sa première camapgne" et avait été prévenu par son équipe. Malgré cela, le candidat "a poursuivi les meetings, permis des prestations nouvelles, et a volontairement omis d'exercer un contrôle sur les dépenses".
L'affaire Bygmalion, une "fable" selon Sarkozy
Lors de son interrogatoire, Nicolas Sarkozy avait nié avoir eu connaissance d'un système de double facturation ayant permis de masquer l'explosion des dépenses de sa campagne présidentielle en 2012. Pour lui, l'argent dissimulé par ce système n'est pas allé pour sa campagne. "J'étais président, chef du G20 et dans la campagne, je dirigeais la stratégie politique, avait-il martelé devant le tribunal. Alors, l'organisation des meetings, la sono, les éclairages, je n'avais pas que cela à faire." Il avait dénoncé une "fable".
"Une fois que j’avais la mélodie de la campagne, ma priorité organisationnelle c’était de réunir ma famille politique", avait-il scandé, presqu'en criant. "Je ne peux pas décrire un système que je ne connaissais pas."
Nicolas Sarkozy avait alors rejeté la faute sur le président de l'UMP de l'époque Jean-François Copé.
"Bygmalion?! Ce sont ses copains!", s'était exclamé l'ancien chef de l'Etat.
Lors du procès, Bastien Milot, le fondateur du groupe Bygmalion a été le seul à nier avoir eu connaissance de ce système de double facturation afin de ventiler les dépenses réelles réalisée pour la campagne présidentielle vers les comptes de l'UMP.
"Il me dit que l'UMP demande à être désormais directement destinataire des factures. Je n'y vois pas d'inconvénient", dira le fondateur de Bygmalion.
"Tout le monde est au courant"
Une version contredit par les trois autres dirigeants de la société de communication. Guy Alves, Franck Attal et Sébastien Borivent ont tous reconnu avoir eu connaissance de cette fraude. "C'est une blague", "on s'est parlé 25 fois de cette affaire", a réagi le premier dénonçant l'attitude du fondateur de Bygmalion. "Pour moi, à ce moment-là, tout le monde est au courant, de Nicolas Sarkozy à la fille de l'accueil, a abondé Franck Attal. C'est une décision collégiale."
"L'information était totale, évidemment", avait complété Sébastien Borivent, accablant Bastien Millot.
Les deux fondateurs de Bygmalion ont été reconnus coupables. Bastien Millot, président de Bygmalion, est condamné à une peine de trois ans de prison, dont 18 mois avec sursis et 100.000 euros d’amende, assortie d'une interdiction de diriger une entreprise pendant 5 ans. Guy Alves écope d'une peine de 2 ans dont un an avec sursis. Leur peine de prison ferme sera aménagée en détention à domicile sous surveillance électronique. Le tribunal les condamne également à une amende de 100.000 euros.
Les deux autres dirigeants de Bygmalion, Franck Attal et Sébastien Borivent, ont été condamné, respectivement à 2 ans de prison dont un avec sursis pour le premier, et 2 ans de prison avec sursi pour le second.
La peine la plus lourde pour le directeur de campagne
Jérôme Lavrilleux, seul cadre de l'UMP à avoir reconnu la fraude, est reconnu coupable d'abus de confiance, de complicité d'escroquerie et de financement illégal de camapgne électorale est condamné à trois ans de prison dont un an avec sursis. La partie ferme de sa peine sera aménagée sous bracelet électronique. Trois ans et six mois de prison, dont deux ans avec sursis, la peine la plus lourde, a été prononcée à l'encontre de Guillaume Lambert, le directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, reconnu coupable d'escroquerie et de complicité de financement illégal de campagne électorale.
Fabienne Liadzé, la directrice des ressources de l'UMP à l'époque, a écopé de 3 ans dont 18 mois avec sursis, Pierre Godet et Marc Leblanc, les experts-comptables de 3 ans dont 18 mois avec sursis pour escroquerie, complicité financement illégal de campagne électorale. Enfin, Eric Cesari, le directeur général des services de l'UMP a été condamné trois ans de prison dont un an avec sursis.
La présidente du tribunal a expliquer que ces peines avec sursis permettait "de parer au risque de récidive" mais les peines fermes sont "indispensables" au regard du "montant de la fraude" et "de la qualité des auteurs". Elle a relevé des faits "d'une gravité sans précédent".