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"On est des dommages collatéraux": blessé par un policier lors d'une manifestation, un trentenaire porte plainte

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Victime d'une fracture ouverte du péroné, Matthias redoute de ne plus pouvoir travailler et souhaite que les responsables soient punis. L'IGPN a ouvert une enquête.

Les faits remontent au 28 mars. Ce jour-là, Matthias, 37 ans, défile dans les rues de Bordeaux dans le cadre d'une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites.

Auprès de BFMTV, le trentenaire indique avoir de la "sympathie" pour le mouvement des gilets jaunes. Pour le défilé, il arborait un drapeau jaune frappé du slogan "Macron Explosion". Depuis le début du mouvement de contestation des retraites, il a fait "quasiment" toutes les manifestations à Bordeaux avec sa compagne. Il n'a jamais été arrêté ou poursuivi, et son casier est vierge.

En fin de cortège, vers 17h, alors que le rassemblement se disperse cour de la Somme, lui et plusieurs autres manifestants sont repoussés par les forces de l'ordre. Là, dos aux policiers, l'homme se souvient avoir entendu une détonation dans son dos, puis d'avoir ressenti un violent coup au niveau de ses membres inférieurs.

"Comme un choc si vous voulez, comme un gros coup de bâton dans ma jambe, je suis tombé par terre", dit-il à BFMTV.

Sur une vidéo amateur de l'incident, on peut voir le manifestant s'effondrer subitement.

Fracture ouverte du péroné

A terre, Matthias ne peut plus marcher, mais a pu compter sur l'aide d'autres manifestants pour quitter les lieux. "J’ai vu que je ne pouvais pas m’appuyer sur ma jambe. Il y a des gars qui m’ont soutenu", dit-il.

"Ils ont vu que moi-même, je ne pouvais pas marcher assez vite pour échapper aux flics qui essayaient de nous mettre des coups de bâton. Les mecs m’ont porté et c’est quand ils m’ont porté que j’ai pu voir le sang qui coulait sur mon pied", se rappelle-t-il encore.

Finalement, le trentenaire est pris en charge par des street medics qui alertent les pompiers. Il est alors transféré au CHU de Bordeaux. Là, Matthias apprend qu'il souffre d'une fracture ouverte du péroné et est opéré dans la soirée. Il écope de 45 jours d'incapacité temporaire de travail.

Sur le long terme, l'homme qui est depuis quatre ans employé dans l'entreprise créée par son père, spécialisée dans la pose d'enseignes lumineuses, redoute des séquelles plus lourdes.

La blessure de Mathias, le 28 mars 2023
La blessure de Mathias, le 28 mars 2023 © BFMTV

"Je monte régulièrement sur des échelles, ou dans des nacelles en hauteur pour aller installer des enseignes sur les façades des différents magasins. C’est un peu l’essentiel de ce que je fais", décrit-il.

"A partir du moment où ma jambe est en vrac, ça semble compliqué de rester toute la journée sur une échelle", déplore Matthias, qui se déplace actuellement en chaise roulante.

Enquête ouverte par l'IGPN

Surtout, la colère du manifestant ne redescend pas depuis ce jour-là et Matthias souhaite voir les responsables de sa blessure punis. Il a donc porté plainte le 6 avril pour "violences volontaires par personnes dépositaires de l'autorité publique, en réunion et avec armes, ayant entraîné une infirmité permanente."

Auprès de BFMTV, le parquet de Paris confirme avoir reçu la plainte, et une enquête a été confiée à l'IGPN.

"On a trop intégré, je crois, le fait que c’était normal que les policiers nous tapent, nous blessent. On est juste des dommages collatéraux, et ce n’est pas normal", termine-t-il.

Matthias estime avoir eu de la chance et pense que sa blessure aurait pu être plus grave. Il en veut à la police car il estime qu'elle est là "pour protéger les gens et non pas les blesser". Il assure qu'il n'a jamais rien lancé contre les forces de l'ordre ni prononcé d'insultes. Ce jour-là, il n'a pas été interpellé par les policiers.

Ce jeudi, malgré sa blessure et cette mauvaise expérience, Matthias va de nouveau défiler en chaise roulante dans les rues de Bordeaux.

Vincent Vantighem avec Hugo Septier