BFMTV
Police-Justice

"On craint des problèmes sanitaires": en prison, la surpopulation en pleine canicule inquiète

Des cellules de la prison de Fresnes (photo d'illustration)

Des cellules de la prison de Fresnes (photo d'illustration) - Fred Dufour - AFP

Alors que la surpopulation carcérale a passé un nouveau cap au mois de juin, les températures atteintes en France ces derniers jours inquiètent les acteurs du milieu pénitentiaire.

"Même si nous souffrons aussi à l'extérieur, on ne peut pas comparer. On n'est pas trois personnes dans une cellule de 9 mètres carré". Alors que la surpopulation carcérale enregistre un nouveau record, la canicule qui règne sur l'Hexagone en ce début de semaine fait craindre aux acteurs pénitentiaires des risques sanitaires importants pour les détenus.

Alors que les prisons françaises ne comptent actuellement que 62.566 places, 84.447 détenus ont été recensés dans les geôles françaises au 1er juin dernier, selon les données du ministère de la Justice. La densité carcérale dépasse celle du mois précédent, affichant un taux de 135%.

Depuis la fin de la semaine dernière, le plan canicule a été mis en place et est appliqué dans l'ensemble des établissements pénitentiaires, affirme encore le ministère de la Justice, qui a diffusé une nouvelle note le 20 juin. Pour Odile Macchi, responsable du pôle Enquêtes à l'Observatoire international des prisons (OIP), cette note est loin d'être suffisante, ne délivrant que des préconisations, "sans caractère obligatoire".

La chaleur "exacerbe les tensions"

D'après elle, le gouvernement préconise "un accès facilité à des ventilateurs, à des crèmes solaires et à des couvre-chefs de type bobs", explique-t-elle à BFMTV.com, ajoutant que des conseils en matière d'hydratation sont également prodigués. Quant aux douches, auxquelles les détenus ont en général accès trois fois par semaine, le ministère de la Justice recommande qu'il soit davantage facilité.

"Dans les faits, le personnel n'a pas le temps. On doute que ce soit possible, même avec toute la bonne volonté dont ils peuvent faire preuve...", note Odile Macchi.

"Le manque de personnel, la conjonction de la surpopulation et de la canicule est un cocktail très détonnant", résume auprès de l'AFP Wilfried Fonck, secrétaire national Ufap Unsa Justice. Selon lui, la chaleur "exacerbe les frustrations et les tensions existantes" et "il faut faire en sorte de déminer le terrain pour éviter que les choses dégénèrent plus que d'habitude".

D'autant que les bâtiments en eux-mêmes, parfois vétustes, ne permettent pas une bonne isolation. Généralement, "les nouvelles constructions se trouvent au milieu de nulle part, dans des endroits où il n'y a pas du tout de végétalisation. En prison, tout est minéral", ce qui accentue l'effet de chaleur, pointe Odile Macchi.

Des transferts de détenus, vraiment efficaces?

Côté gouvernement, on reconnaît que les conditions de détention des prisonniers sont particulièrement "difficiles" en période de canicule, dans un contexte de surpopulation carcérale. Lors d'un micro tendu devant le ministère de la Justice, lundi 30 juin, Gérald Darmanin a révélé que "plusieurs centaines" de détenus particulièrement exposés aux fortes chaleurs ont été transférés vers d'autres établissements.

Ces transferts "ont commencé depuis jeudi dernier (le 26 juin, ndlr) à ma demande. Le directeur de l’administration pénitentiaire les a organisés. Plusieurs centaines de personnes sont concernées", a indiqué le Garde des Sceaux.

Une partie de ces détenus, incarcérés dans des prisons "saturées", notamment "dans le sud-ouest de la France, en Occitanie" ont été déplacés "dans des endroits où il y a moins de saturation, dans le Grand Est par exemple", a relevé Gérald Darmanin. Il s’agit notamment de détenus issus de "maisons d’arrêt surpeuplées", déplacés vers centres pénitentiaires à "80-90%" occupés, a détaillé le ministre.

La solution ne convainc pas Odile Macchi, de l'OIP. "Si ces détenus avaient un travail (au sein de leur établissement, ndlr) ou des activités, ou s'ils voyaient leur famille, ils vont en être coupés", commente-t-elle. Elle ajoute que les permis de visite, eux aussi, sont parfois plus compliqués à obtenir après un transfert.

"La population carcérale vieillit, certains détenus ont des problèmes respiratoires ou d'obésité et l'accès au soin est déjà restreint au quotidien. Et comme il fait de plus en plus chaud, on craint des problèmes sanitaires de plus en plus importants", regrette Odile Macchi.

La France figure parmi les mauvais élèves en Europe en terme de surpopulation carcérale, en troisième position derrière Chypre et la Roumanie, selon une étude publiée en juin 2024 par le Conseil de l'Europe.

Elisa Fernandez et Paul Conge