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Meurtre de Lola: comment s'ordonne et s'applique une obligation de quitter le territoire français?

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La principale suspecte dans cette affaire faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Des personnalités de la droite et de l'extrême droite dénoncent sa non-exécution.

Le nom de Lola, la collégienne de 12 ans retrouvée morte dans une malle vendredi soir à Paris, a largement été évoqué dans les débats de l'Assemblée nationale ce mardi. "Une nouvelle fois, la suspecte de cet acte barbare n’aurait pas dû se trouver en France. Qu’attendez-vous pour agir afin que soit enfin stoppée cette immigration clandestine hors contrôle?", a par exemple demandé au gouvernement la présidente du groupe RN à l'Assemblée, Marine Le Pen.

La principale suspecte dans cette affaire, mise en examen et placée en détention provisoire, faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous 30 jours, a appris ce lundi BFMTV de source proche du dossier.

De nationalité algérienne, la jeune femme est arrivée en France en 2016 de façon légale. Elle avait obtenu un titre de séjour étudiant, aujourd'hui périmé. Le 21 août dernier, alors qu'elle voulait prendre l'avion, la jeune femme a été interpellée par la police de l'air et des frontières qui a constaté qu'elle ne disposait pas de titre de séjour valide. Elle s'est ainsi vue délivrer une OQTF sous 30 jours.

Décision de la préfecture

Une obligation de quitter le territoire français "est prise par le préfet, notamment en cas de refus de délivrance de titre de séjour ou de séjour irrégulier en France", explique le ministère de l'Intérieur sur son site.

Elle concerne, entre autres, les personnes entrées irrégulièrement en France et n'ayant pas de titre de séjour, les personnes entrées régulièrement en France mais y étant restées au-delà de la durée de validité du visa (comme c'est le cas de la suspecte dans l'affaire de Lola) ou dont la demande de renouvellement du titre de séjour a été refusée.

Dans sa décision, qui peut faire l'objet d'un recours, le préfet doit motiver la raison de l'OQTF et préciser le pays vers lequel la personne visée sera renvoyée si elle ne quitte pas le territoire volontairement. Dans cette configuration, au-delà de 30 jours, l'administration française organise le départ de la personne concernée, qui peut être placée en centre de rétention ou assignée à résidence. Le préfet lui notifie également une interdiction de retour en France (IRTF).

Les personnes concernées par une OQTF ne l'ayant pas respectée sont éloignées vers leur pays d'origine (sauf en cas de danger pour leur vie ou leur liberté notamment), ou dans un autre pays dans lequel elles peuvent légalement être admises. Certaines OQTF sont sans délai, pour les personnes présentant une menace pour l'ordre public par exemple.

Une mesure peu respectée

Mais dans les faits, les OQTF sont peu respectées. Leur taux d'exécution diminue depuis 2012 et en 2019, seules 12 % des OQTF prononcées ont été exécutées. Au premier semestre 2021, 5,6 % des 62.207 OQTF délivrées ont été exécutées, selon le ministère de l'Intérieur.

Cette situation s'explique notamment par la "difficile identification des personnes en voie d’éloignement" et par "l’insuffisante coopération des autorités de leur pays d’origine pour les reconnaître et leur attribuer des laissez-passer consulaires", explique un rapport d'information de l'Assemblée nationale de 2019. Les laissez-passer consulaires sont des documents fournis par les autorités du pays d'origine et indispensables pour renvoyer un étranger en situation irrégulière de la France.

Certains pays se montrent rétifs à la distribution de ces documents. Selon les chiffres fournis par le ministère de l'Intérieur à la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les migrations, entre janvier et juillet 2021, l’administration française n'est parvenue à expulser vers l’Algérie que 22 migrants illégaux sur les 7731 obligations de quitter le territoire délivrées par les préfectures, Alger ayant concédé seulement 31 laissez-passer consulaires. Le Mali n'a, lui, délivré aucun laissez-passer consulaire depuis trois ans. En réaction, le gouvernement a annoncé en 2021 une réduction du nombre de visas accordés à certains pays, dont l'Algérie.

Des services débordés

La commission d'enquête relève également, dans son rapport publié en novembre 2021, que "les services préfectoraux sont débordés par le nombre et la complexité des décisions à prendre".

Dans le cas du meurtre de Lola, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a souligné mardi que la principale suspecte dans l'affaire n'était pas connue des services de police, sauf en tant que victime de violences conjugales. "Il y a à peine un mois qu'elle a une obligation de quitter le territoire", a-t-il déclaré, ajoutant que "les choses se sont faites dans des conditions, je crois, malheureusement non prévisibles".

Sophie Cazaux