"Le quotidien c'était la violence": un ancien élève raconte les sévices physiques infligés à Bétharram

Des coups incessants et des punitions inhumaines. Les témoignages à l'encontre de l'établissement scolaire Notre-Dame-de-Bétharram se multiplient ces derniers jours. Une information judiciaire a été ouverte vendredi des chefs de viol et agression sexuelle à l'encontre d'un seul des trois hommes placés en garde à vue par le parquet de Pau - un ancien surveillant de cet établissement catholique.
Florian Fourneau, élève pendant deux ans dans cette école privée du Béarn, raconte à BFMTV un quotidien rythmé par les violences physiques, le silence imposé et les menaces. "Personne ne peut dire qu'il n'a jamais vu des violences physiques là-bas. On le voyait tous parce qu'on était pas mal à morfler en public: tout le monde savait et se taisait, même les professeurs".
"Moi j'ai vu des gamins en primaire se faire accrocher au porte-manteau, des mises en situation affreuses".
"Des coups reçus pour rien"
"Le quotidien, c'était la violence, les punitions, se taire, filer droit, l'angoisse de jamais satisfaire, quoi qu'il se passe, ça n'allait jamais", résume le quadragénaire, qui a intégré le collège en sixième en raison d'un redoublement et a quitté les lieux à la fin de sa 5e. Il explique que la plupart des élèves se retrouvaient relativement isolés, loin de chez eux, dans un établissement où la parole entre eux était strictement muselée.
"On se levait très tôt, on partait dans des études avant de manger, pas le droit de parler, on avait le droit de ne rien faire, même pas dire bonjour à ses camarades", détaille-t-il encore. "Il fallait baisser la tête, marcher, filer droit en permanence. Un chuchotement, c'était tout de suite des agressions physiques.
Plusieurs décennies après les faits, Florian Fourneau se souvient encore "des coups reçus pour rien". "J'ai pas passé un jour sans en prendre une minimum, quand c'était pas 2-3. (...) Vous tourniez la tête dans les rangs parce que vous entendiez un oiseau chanter, vous vous en preniez une". "C'était des boxeurs d'une quarantaine d'années sur des enfants de 11 ans", s'indigne-t-il aujourd’hui. "C'est inimaginable".
"En salle d'étude, on savait ce qui allait nous arriver. Je me souviens qu'on était une centaine d'élèves - 120 - pour un seul pion. Depuis son estrade, son amusement c'était de prendre le meilleur d'entre nous puis il prenait n'importe qui et le premier qui n'avait pas les mêmes choses écrites que lui, c'était des volées devant tout le monde".
Les violences sexuelles, "on ne s'imaginait pas ça"
De son jeune âge, Florian Fourneau affirme qu'il n'avait pas conscience que des violences d'ordre sexuel avaient lieu dans l'établissement. "À mon époque non, on était jeunes on ne pensait pas à ça. Ils nous faisaient tellement peurs, et certains avaient des airs un peu bizarres mais à cet âge-là on ne s'imaginait pas ça, on n'avait pas ça en tête du tout. Et puis on ne parlait à personne".
"Moi je faisais du skateboard et j'ai eu de la chance avec certains camarades: c'était notre échappatoire, on partait se défouler en groupe donc on était moins propices à tout ça. Avec le recul, je repense à certains camarades de l'époque qu'on voyait seuls, tristes, qui avaient tendance à fuguer le mercredi soir tellement c'était atroce, je suppose..."
L'homme, qui était interne et dormait dans l'établissement, se souvient également des soirées et des nuits où régnait la terreur. "Le premier qui parlait, c'était ce qu'ils appelaient 'les pieds du lit': on était debout, les mains dans le dos, à 20 cm du lit, interdiction de fléchir les jambes, de s'appuyer ou quoi que ce soit. Le premier qui s'amusait à fléchir, on était mis à la porte du dortoir dans les cages d'escalier et dès qu'on chuchotait, c'était des gifles et on était envoyés au perron".
"Là on était envoyés dehors, en chaussons ou pieds nus en fonction de comment on partait. Une couette, une veste, parfois rien du tout", décrit le quadragénaire. "On était des fois seuls, parfois 2-3 à subir le même sort que nous. Et là il fallait attendre une heure, deux heures. On rentrait quand on nous avait oublié, à 11 heures ou minuit. On rentrait parce qu'on avait froid lorsque tout était éteint et qu'on entendait plus rien".
Dans le cadre de l'information judiciaire qui a été ouverte, quatre anciens personnels laïcs de l'institution ont été entendus par les gendarmes. Trois d'entre eux ont admis les faits, deux reconnaissant avoir asséné des gifles, le troisième "concédant avoir également pu tirer les cheveux des enfants ou leur donner des coups avec le poing fermé", relève le parquet de Pau. Ils ont été laissés libres, "l'ensemble de ces délits étant intégralement prescrits".