L'ombre de Serge Dassault sur un procès pour tentative d'assassinat à Evry

Un homme de main de Serge Dassault est jugé à partir de ce mardi devant la cour d'assises d'Evry. - AFP
C'est le système Dassault qui arrive ce mardi devant les assises de l'Essonne, en l'absence de l'homme d'affaires qui était cité comme témoin. Le procès d'un collaborateur de l'ancien maire de Corbeil-Essonnes s'ouvre ce mardi à Evry. Jugé pour tentative d'assassinat et violences volontaires avec arme, Younès Bounouara, 42 ans, encourt la perpétuité.
Ce 19 février 2013, à l'heure du déjeuner, deux balles sifflent dans cette commune de l'Essonne, en région parisienne. L'une blesse très grièvement Fatah Hou, boxeur professionnel, qui s'en sort avec de graves séquelles et une fin de carrière. Les trois autres passagers échappent aux tirs par miracle.
Volonté d'éliminer le boxeur pour avoir piégé Dassault?
Rapidement, les enquêteurs comprennent que les coups de feu pourraient être liés aux soupçons d'achat de votes à Corbeil-Essonnes, un dossier dans lequel Serge Dassault est mis en examen.
Comme le rapporte Mediapart, l'ex-boxeur professionnel en est sûr: Younès Bounouara lui a tiré dessus pour "l'empêcher de révéler publiquement" des "preuves compromettantes" contre lui et Serge Dassault.
Entendu comme témoin assisté dans l'affaire de tentative d'assassinat, l'avionneur, maire de Corbeil entre 1995 et 2009 et aujourd'hui âgé de 91 ans, n'a finalement pas été mis en cause au terme des investigations visant un homme qui était l'un de ses relais dans les quartiers.
Dassault ne se présente pas au procès
Cité comme témoin au procès, "Serge Dassault a fait savoir qu'il ne se serait pas présent", rapporte une journaliste qui assiste aux débats ce mardi.
Peu avant les faits, ce 19 février, Younès Bounouara et Fatah Hou avaient eu une violente altercation sur la nationale 7, qui borde la cité sensible des Tarterêts. Au menu de l'algarade: des menaces de mort, des insultes et un article du Canard enchaîné de décembre 2012.
Selon l'hebdomadaire satirique, Younès Bounouara aurait touché 1,7 million d'euros de Serge Dassault en échange de l'aide apportée à l'élection de Jean-Pierre Bechter en 2010.
L'ex-boxeur dit avoir été un maillon du système Dassault
Mais Younès Bounouara aurait décidé de ne pas redistribuer cet argent "comme il devait le faire", selon la version donnée aux juges par Fatah Hou. L'ex-boxeur a affirmé aux enquêteurs avoir "travaillé pour Serge Dassault jusqu'en 2008 dans le cadre des campagnes électorales" et reçu "des sommes d'argent à distribuer à la population de Corbeil-Essonnes pour inciter à voter pour lui".
Lors de son audition, Serge Dassault a confirmé l'existence d'un don de deux millions d'euros à l'accusé, destinés selon le sénateur du parti Les Républicains à "financer un projet industriel en Algérie", réfutant tout système d'achat de votes. Il a concédé aux enquêteurs "bien connaître Younès Bounouara qui s'était mis à sa disposition à partir de 1995" et expliqué "que l'on a besoin d'intermédiaires lorsqu'on fait de la politique et qu'on est maire".
Dassault, surnommé le "Brink's vivant"
Après plus de huit mois de cavale en Algérie, Younès Bounouara se livre aux autorités françaises. Il explique aux juges que Fatah Hou et ses amis le harcelaient depuis cinq ans et visaient, à travers lui, la fortune de Serge Dassault, qu'il surnomme le "Brink's vivant".
"Younès a fait face à une bande de crapules qui ont voulu lui faire cracher son argent, de gré ou de force", soutient son avocat David-Olivier Kaminski.
"A entendre Younès Bounouara, il n'est responsable de rien et Fatah Hou est un voyou qui n'a eu que ce qu'il méritait", s'agace en réponse le conseil de l'ex-boxeur, Me Marie Dosé.
"La tête de ma mère, il crève"
Son client assure avoir paniqué juste avant les tirs, croyant apercevoir un fusil dans la voiture, et nie avoir voulu se venger après l'accrochage verbal sur la nationale 7. Une version mise à mal par des écoutes dont il faisait l'objet à l'époque dans le cadre d'une autre affaire.
A sa femme Hayet, il ordonne de lui sortir son "pétard":
"J'ai été chercher mon truc. La tête de ma mère je vais aux Tarterêts, je le canarde direct", plastronne-t-il, auprès d'un autre interlocuteur, dit "Le Chinois". Puis, avant les tirs, un ultime coup de fil: "Là je suis en terrasse, j'ai mon truc sous mon aisselle. Il passe. La tête de ma mère, il crève."
En attendant le procès de l’affaire de corruption électorale, dans laquelle Serge Dassault et Younès Bounouara sont tous deux mis en examen, c’est donc l’aspect le plus sordide de ce système quasi-mafieux qui est au cœur des débats à Évry.