Joué-Lès-Tours, Dijon, Nantes: actes terroristes ou non, qui en décide?

La police sur les lieux de l'attaque du commissariat de Joué-Lès-Tours, le 20 décembre 2014. - Guillaume Souvant - AFP
La quasi-simultanéité des trois attaques de Joué-Lès-Tours, Dijon et Nantes, leur ressemblance, ont poussé certains à les qualifier d'actes terroristes. Une qualification non retenue par les procureurs de Dijon et Nantes. Mais sur quels critères les autorités se fondent-elles pour décider que des infractions relèvent ou non du terrorisme? Et que cela change-t-il?
Une volonté d'"intimidation" ou de "terreur"
L'article 421-1 du Code pénal liste les multiples infractions qui peuvent être qualifiées d'"actes de terrorisme" et précise qu'elles doivent être "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". C'est donc le but poursuivi par son auteur qui fait qu'une infraction sera ou non considérée comme terroriste.
L'affaire de Joué-Lès-Tours, selon maître Gwennhaël De Clercq, avocat au barreau de Lyon et spécialiste de droit pénal, relève de manière plus évidente de la qualification d'actes terroristes car "des propos islamistes ont très clairement été tenus au moment de l'agression" dans le commissariat.
Le profil de l'agresseur importe, mais ne qualifie pas les actes
"Les profils Facebook ou les fiches des services de renseignement d’un suspect peuvent aussi corroborer" le caractère terroriste de l'attaque, ajoute l’avocat. "Si cette personne n'était pas fichée par l'antiterrorisme, son frère l'était", note le juriste, qui relève ici "une conjonction d'indices".
Xavier-Philippe Gruwez, autre avocat spécialiste de droit pénal, nuance en indiquant que "la nature des faits commande la qualification, pas le profil des individus". Et d’ajouter: "placer une bouteille de gaz entourée de clous et d'un détonateur, comme c'était le cas lors des attentats algériens dans les années 90, ou foncer en voiture dans la foule d'un marché en faisant plus d'une dizaine de blessés" participent de la même "volonté de semer la terreur dans le public".
Une qualification lourde de conséquences
C’est aux procureurs de la République chargés de ces affaires, en accord avec leur hiérarchie ("procureur général de la cour d'appel, garde des Sceaux"), de qualifier des faits d'actes de terrorisme. Mais cette première qualification, précise maître De Clercq, "pourra être modifiée au cours de la procédure". Elle n'a donc rien immuable.
Bien sûr, la qualification d'actes terroristes n'est pas qu'une question sémantique. Elle entraîne des changements tant du point de vue de l'enquête, que de la procédure. Ainsi, en droit pénal "les actes préparatoires à un crime" ne sont pas "incriminés en tant que tels", explique maître Gruwez. "Si je sors mon fusil pour vous tuer, je ne peux être incriminé tant que je ne l'ai pas fait." Mais en matière de terrorisme, les actes préparatoires peuvent faire l'objet de poursuites.
Les pouvoirs d'enquête sont élargis, la garde à vue peut être prolongée jusqu'à 144 heures et les enquêteurs locaux doivent se dessaisir au profit de la section antiterroriste du parquet de Paris. Sur le prononcé de la peine, participer à une entreprise terroriste constitue une circonstance aggravante d'un meurtre ou d'un assassinat.