"J'ai vu noir et perdu connaissance": éborgné lors des émeutes, Jalil, 16 ans, témoigne sur BFMTV

LBD. - AFP
Une vie désormais rythmée par les nombreux soins médicaux et par les intenses douleurs. Dans la nuit du 1er au 2 juillet, alors que plusieurs quartiers de France se sont embrasés après la mort du jeune Nahel, abattu par le tir d'un policier à Nanterre, Jalil, alors âgé de 15 ans, sort de chez lui pour retrouver un ami dans une rue de Chilly-Mazarin, dans l'Essonne.
"Je suis sorti aux alentours de 21 heures rejoindre un ami à moi. À un moment, ça dérape, d'une seconde à l'autre", se rappelle-t-il à BFMTV.
"J'entends un 'boum'"
L'adolescent, qui pensait que les émeutes étaient terminées dans son quartier, et qui avait eu interdiction par son père de sortir les jours précédents, se retrouve au milieu d'émeutiers qui tentent de s'en prendre aux forces de l'ordre.
"J'étais sur une ligne avec quelqu'un de plus âgé, il a allumé un mortier et commencé à tirer sur les camions de CRS. D'une seconde à l'autre, je me suis retrouvé tout seul, j'entends un 'boum'", poursuit celui qui assure ne jamais avoir été un émeutier.
Le "boum" en question est un tir de LBD, en sa direction, qui l'atteint au niveau du visage. "Tout de suite je voyais noir de l'œil, je ne voyais plus rien. J'ai perdu connaissance à ce moment-là", se rappelle Jalil.
"J'ai repris connaissance 20 mètres plus loin, je courais, je me relevais, je courais, je me relevais. J'entendais les CRS derrière moi qui me courraient après, ils criaient 'arrête-toi, je vais te tuer, je vais te tuer'"", décrit-il encore. Lorsque les agents le rattrapent, Jalil perd connaissance. "Je le tiens comme ça, je dis 'je vais mourir', et ma main tombe."
Depuis, le jeune homme a perdu l'usage de son œil gauche et quotidiennement, des infirmiers viennent à son domicile soigner ses plaies. Jalil, qui vient tout juste de fêter son seizième anniversaire, dit dormir peu et être sujet à de violentes migraines.
"Les gens me regardent comme si je n'étais plus humain, ce n'est plus comme avant. Tout à changé", ajoute le jeune homme.
Les policiers confirment l'usage du LBD
Selon la version des agents de police, obtenue par BFMTV d'une source policière, les faits se seraient déroulés aux alentours d'1h20 cette nuit-là, alors que plusieurs policiers étaient pris à partie dans la rue Pierre Brossolette, visés par des tirs de mortiers.
Selon cette version, un agent aurait alors bien fait usage du LBD pour rispoter, et atteint Jalil, que les policiers accusent d'être l'un des auteurs des tirs de mortiers. La victime se serait alors enfuie avec une autre personne, avant d'être interpellée quelques minutes plus tard.
Les policiers, qui assurent avoir agi en position de légitime défense, voient la plaie au niveau du visage du jeune homme, semblable à un coquard, et lui prodiguent les premiers secours avant que les pompiers n'arrivent à 1h50 du matin et transportent le blessé à l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges. Le verdict tombe, Jalil a définitivement perdu l'usage de son œil gauche.
Enquête confiée à l'IGPN
Quelques heures plus tard, Jalil dépose plainte et dans la foulée, le parquet d'Evry ouvre une enquête préliminaire pour "violences volontaires commises par une personne dépositaire de l'autorité publique avec usage d'une arme. Les investigations ont été confiées à l'IGPN. Comme dans ce genre d'enquête, les premières analyses sont en cours: vidéo, téléphonie, audition de témoins, etc...
Au total, selon une information de BFMTV obtenue d'une source proche de l'enquête, l'IGPN a ouvert une trentaine d'enquêtes sur des soupçons de violences commises par des policiers lors des émeutes.
Dans le cadre de ces émeutes, BFMTV a appris qu'en raison des tirs de LBD, au moins une personne a été tuée, une autre est dans le coma, et huit cas graves, dont six éborgnements, ont été recensés.