Deux figures d'extrême droite accusées d'avoir ressuscité leurs ligues dissoutes

Alexandre Gabriac (à gauche) et Yvan Benedetti (à droite) lors d'une conférence de presse sur la dissolution de leur mouvement, plusieurs mois après la décision de justice, le 28 octobre 2013 à Paris. - Lionel Bonaventure - AFP
Ce lundi 4 juin, Yvan Benedetti, 52 ans, et Alexandre Gabriac, 27 ans, se tenaient devant le tribunal correctionnel de Lyon. La date est symbolique, cinq ans (quasiment jour pour jour) après la mort, le 5 juin 2013, du militant antifasciste Clément Méric dans une bagarre avec des skinheads à Paris.
S'ils ne sont pas directement liés à l'altercation, Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac sont des figures de l'extrême droite dont les ligues ont été interdites en conséquence directe de l'homicide. Les autorités avaient estimé que leurs deux organisations, l'Oeuvre française (OF) et les Jeunesses nationalistes (JN), propageaient "une idéologie incitant à la haine et à la discrimination", exaltaient "la collaboration avec l'ennemi" et que la première constituait une "milice privée".
Les groupes Troisième voie et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires, impliqués dans la mort de Clément Méric, s'étaient auto-dissous avant le décret publié en juillet 2013.
Après plusieurs mois d'enquête policière, les deux hommes ont été mis en examen à l'automne 2014 pour avoir reconstitué ou maintenu les organisations grâce à d'autres situées aux mêmes adresses, en participant notamment à des conférences et en diffusant les mêmes idées sur le site internet jeune-nation.com qui mentionnait leurs agendas.
"A quoi cela sert de dissoudre une organisation si l'on a le droit d'en garder le drapeau, de laisser son nom sur la sonnette, de continuer à organiser des réunions", a lancé le vice-procureur Vincent Lemonier, en dénonçant une doctrine "extrêmement dangereuse".
Deux lignes de défense différentes
Les deux accusés n'ont pas eu la même ligne de défense ce lundi à la barre. Alexandre Gabriac assure ne s'être jamais présenté comme dirigeant des JN et n'avoir fait aucune déclaration en leur nom après la dissolution, en plaidant quelques négligences administratives.
Le jeune homme de 27 se désigne seulement comme le "fondateur" du groupe et son avocat assure au Figaro que "c'est par inertie qu'il a oublié de fermer les comptes en banque et pages Internet". Il milite aujourd'hui dans les rangs du parti catholique Civitas.
"Aux conférences, j'étais invité comme conseiller régional, je n'étais pas organisateur", s'est-il défendu lundi, comme le rapporte Le Parisien. En ce qui concerne les tweets postés au nom des JN, il assure qu'il "y avait plusieurs administrateurs qui géraient le compte".
Yvan Benedetti, 52 ans, revendique, lui, ne pas respecter les décisions judiciaires "quand elles sont illégitimes" et se présente comme le président "envers et contre tout" de l'OF, emblème de l'organisation - croix celtique blanche sur fond rouge et bleu - au revers du veston. Au Palais de justice de Lyon, il s'est présenté drapé enroulé dans le drapeau du groupe, comme le montre une photographie de Rue 89 Lyon.
Leur avocat historique, Me Pierre-Marie Bonneau, a plaidé la relaxe en arguant que ses clients sont restés "des élus de la République" après la dissolution et qu'à ce titre ils ont gardé "une activité politique" qu'on ne saurait leur interdire, sauf à vouloir "leur fermer la bouche comme on le fait (...) du côté de Pyongyang".
"Ce n'est pas rien de faire des voyages pour célébrer le régime nazi"
Les accusés ont tous deux disposé de mandats électoraux (municipaux et régionaux) jusqu'en 2015. Tous deux militaient d'ailleurs au Front national avant d'en être exclus, Yvan Benedetti pour s'être qualifié lui-même "d'antisioniste, antisémite et antijuif", Alexandre Gabriac après la diffusion d'une photo le montrant en train de faire un salut nazi.
C'est alors que le premier avait pris la tête de l'Oeuvre française, un mouvement pétainiste fondé en 1968, et que le second avait fondé les Jeunesses nationalistes, sa branche considérée comme "jeune" et activiste.
"Ce n'est pas tout à fait rien de faire des voyages pour célébrer le régime nazi ou celui de Franco", a déclaré le vice-procureur lors de l'audience. "Ce sont des régimes politiques qui ont dévasté l'Europe. Que la loi interdise d'en faire l'apologie est parfaitement justifié", a-t-il asséné.
"Alexandre Gabriac assure qu'il n'était au courant de rien, mais en réalité il continuait son activité. Yvan Benedetti, lui, est plus clair, mais l'infraction est parfaitement caractérisée pour l'un et l'autre", a estimé le magistrat.
Six mois de prison avec sursis et mise à l'épreuve, ainsi que 15.000 euros d'amende pour chacun, ont été requis contre eux ce lundi. Le verdict est attendu le 4 juillet prochain.