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Société

Lyon, capitale de l’extrême-droite française?

Marion Maréchal-Le Pen en janvier 2017.

Marion Maréchal-Le Pen en janvier 2017. - JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Depuis plusieurs années, des mouvements identitaires se sont implantés solidement à Lyon, qui accueillera mercredi la finale de la Ligue Europa entre Marseille et l’Atlético de Madrid.

Le dispositif de sécurité sera "exceptionnel", de l’aveu même de Stéphane Bouillon, le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Alors que les supporteurs de Marseille sont attendus mercredi à Lyon pour la finale de la Ligue Europa contre l’Atlético de Madrid, 1250 policiers seront déployés en ville, alors que 1100 stadiers prendront place en tribune. Au-delà de la rivalité entre les fans des deux olympiques, les forces de l’ordre craignent aussi de potentiels débordements des supporteurs lyonnais.

"On ne peut exclure qu’il y ait des fights mais nous seront d’une extrême vigilance et prêt à réagir. Nous surveillons les hooligans, identitaires ou pas, et essayons d’anticiper leurs actions. Nous surveillons aussi les réseaux sociaux, mais je ne crois pas que ce soit le rendez-vous du hooliganisme", assure Stéphane Bouillon.

Dans la capitale des Gaules, les liens sont parfois poreux, sans être très étroits, entre certains groupes de supporteurs et l’ultra-droite locale.

"A ma connaissance, ce sont plus des contacts individuels, une mobilisation ponctuelle à partir de connexions entre certains individus qui ont les deux casquettes, explique Nicolas Hourcade, sociologue spécialiste de la question des supporteurs en France. Il y a parmi les supporteurs de Lyon une petite frange hooligan, et parmi eux il y en a certains qui sont marqués à l’extrême-droite. Sur certains gros matchs, il y a des gens qui viennent avec leurs copains en se disant qu’il peut y avoir de l’action. Ce qui fait que ces groupes de quelques dizaines de personnes se retrouvent être plutôt 100 ou 150 dans les grandes occasions. L’extrême droite radicale s’est bien implantée à Lyon ces dernières années, et ça peut rejaillir sur le stade. Mais attention aux généralisations, tous les ultras lyonnais ne sont pas fachos".

"Il y a effectivement une implantation assez vivace des milieux identitaires à Lyon"

Au-delà du football, la ville est devenue depuis quelques années un carrefour de la droite radicale. C’est aussi de Lyon qu’est parti le mouvement du Bastion Social, qui essaime aujourd’hui un peu partout en France après avoir été lancé par un responsable local du GUD. "Il y a effectivement une implantation assez vivace des milieux identitaires à Lyon, confirme Jean-Yves Camus, qui dirige l’Observatoire des radicalités politiques. Avec toutefois un bémol: le terme identitaire recouvre tout et n’importe quoi. D’une part Génération identitaire qui y a un local depuis un certain nombre d’années, et puis d’autres groupes qui sont plus radicaux, je pense en particulier au Bastion Social".

Selon lui, "il n’y a pas une ville qui serait une capitale au nom d’une antériorité ou d’une hérédité historique". Mais si le mouvement identitaire est parti de Nice, le noyau lyonnais "semble aujourd’hui plutôt dominant". Selon Jean-Yves Camus, Lyon et sa région ont une tradition double: "Celle d’avoir été la capitale de la Résistance, mais aussi une tradition qu’on oublie un peu trop souvent, qui est la persistance dans cette ville de groupes d’extrême-droite assez anciennement implantés. Au début des années 90, il existait une librairie d’extrême-droite ayant pignon sur rue. Il y avait déjà une implantation universitaire assez forte, en particulier à Lyon-3. Il y a toujours eu des groupes qui retrouvaient leurs sources à Lyon ou dans sa région". Si on y ajoute les proches d’Yvan Benedetti, l’ancien patron de l’Oeuvre Française qui sera jugé le 4 avril prochain pour "reconstitution de ligue dissoute", on trouve à Lyon "pratiquement toutes les nuances du spectre", selon Jean-Yves Camus.

Pour les besoins de son enquête La France identitaire, la réaction qui vient (éd. La Découverte), Eric Dupin a d'ailleurs rencontré quelques militants lyonnais de Génération identitaire.

"Ils sont peut-être une vingtaine ou une trentaine de militants sur Lyon, ce n’est pas considérable dans une ville de cette taille. Mais leur réseau de sympathisants est sans doute plus étendu, autour d’une centaine de personnes. Lyon est un des endroits où ils sont les plus implantés. Ils ont réussi à avoir un local, ça veut dire quelques financements, ce qui leur permet de rayonner sur la vie locale".

"Marion Maréchal-Le Pen est la figure politique dans laquelle se reconnaissent les identitaires"

Cette présence ne se traduit pas dans les urnes. Lors de la dernière présidentielle, Marine Le Pen n’avait récolté que 8,86% des suffrages au 1er tour, et 15,89% au second. Pourtant, c’est bien à Lyon que Marion Maréchal-Le Pen a décidé d’implanter sa future école de sciences-politiques. "Elle est la figure politique dans laquelle se reconnaissent les identitaires. Elle n’a pas peur de reprendre à son compte la thématique du grand remplacement, alors que Marine le Pen, sur ces questions, flottent un peu", explique Eric Dupin.

Selon Jean-Yves Camus, "le choix de Marion Maréchal-Le Pen répond à son souhait d’attirer les gens qui sont plutôt dans l’optique de la droite très conservatrice, imprégnée d’une forme de catholicisme assez identitaire. Lyon présente effectivement un milieu qui répond à ces caractéristiques-là".

Mais attention, tout ce que compte la ville de militants d’extrême-droite ne devrait pas terminer sur les bancs de son école. "Les militants de Génération identitaire qui auront envie de continuer une carrière politique, de pérenniser leur engagement militant, iront plutôt en direction du FN, reprend Jean-Yves Camus. Mais est-ce que ce sera en direction du FN dirigé par Marine Le Pen, ou de celui dirigé par Marion Maréchal-Le Pen? C’est l’avenir qui nous le dira. Ensuite, est-ce que Marion Maréchal-Le Pen pendra le risque d’accepter dans un établissement qui sélectionnera sur dossier des gens engagés dans des groupes encore plus radicaux? Je pense très franchement qu’elle aura l’intelligence de ne pas le faire".

Antoine Maes