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Police-Justice

Des hôpitaux parisiens auraient fiché des manifestants gilets jaunes

Des gilets jaunes manifestant à Paris, le 20 avril 2019. (Photo d'illustration) -

Des gilets jaunes manifestant à Paris, le 20 avril 2019. (Photo d'illustration) - - Anne-Christine Poujoulat - AFP

Poursuivant ses révélations initialement publiées la semaine dernière, le Canard enchaîné affirme ce mercredi que samedi dernier, des manifestants gilets jaunes hospitalisés ont été fichés dans un registre consultable notamment par le ministère de l'Intérieur.

Mercredi dernier, le Canard enchaîné assurait que les hôpitaux relevant de l'AP-HP, Assistance-Publique-Hôpitaux de Paris, avaient enregistré dans un fichier appelé le SI-VIC (Système d'information pour le suivi des victimes) des éléments personnels, dont le nom, de manifestants admis dans ces établissements après des mobilisations de gilets jaunes. Une semaine et une saisine de la Cnil par l'Ordre des médecins plus tard, le journal signale que la pratique a été répétée: samedi dernier, les noms, adresses, numéros de téléphone, et le cas échéant la nature de la blessure de manifestants hospitalisés auraient été recensés. 

Une mesure appliquée à six reprises

Le SI-VIC est un fichier initialement créé pour les victimes d'attentat ou les "situations sanitaires exceptionnelles". Et c'est ce dispositif qui a été activé, d'après le palmipède, à la demande de la Direction générale de la Santé dans un message transmis la veille aux hôpitaux. A vrai dire, six dates d'application de cette mesure au total sont mentionnées: outre samedi dernier, 20 avril donc, les 8 et 15 décembre, les 16 et 23 mars, et le 13 avril. 

L'AP-HP a produit un communiqué samedi dernier, admettant qu'étaient recensés "sexe, date de naissance, tranche d'âge, nom, prénom, nationalité, adresse" dans le fichier mais promettant cependant que "dans le respect du secret médical, il ne comport(ait) pas de données médicales, c'est-à-dire aucune donnée sur la nature des blessures prises en charge".

Mais le Canard enchaîné infirme ce dernier point, assurant, fac-similé à l'appui, que la rubrique "Commentaires" des formulaires d'information contenaient de nombreuses données médicales. 

Les patients ont-ils été informés?

Une rupture du secret médical serait d'autant plus dommageable que, conformément au décret pris le 9 mars 2018, le SI-VIC peut être consulté par des "agents habilités" du ministère de la Santé mais aussi au sein des "ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères". Auparavant, la Cnil, en décembre 2017, avait bien permis la mise sur pied de ce fichier, sous réserve cependant que le patient concerné soit averti de l'établissement d'une fiche à son propos, avertissement éventuellement assorti d'un document à leur attention. 

Et là encore, le bât blesse, notamment d'après Arié Alimi, avocat de plusieurs gilets jaunes qui a déclaré: "Sur mes 15 clients pris en charge dans les hôpitaux parisiens, aucun n'a été averti d'un tel fichage". Sébastien Maillet, manifestant qui a eu la main arrachée par une grenade lacrymogène, a de son côté porté plainte pour collecte illicite de données à caractère personnel et violation du secret professionnel. 

La colère du personnel médical 

Une partie du personnel soignant a elle aussi exprimé sa colère. Samedi dernier, après que le cabinet de Martin Hirsch, qui dirige l'AP-HP, a demandé par mail l'activation du SI-VIC, Bruno Riou, chef des urgences de la Pitié-Salpêtrière, a signifié une fin de non-recevoir, fondée sur un "plan déontologique", à cette sollicitation sauf à "recueillir au préalable l'autorisation du patient". Il prévenait aussi du risque de poursuites judiciaires. 

Robin Verner