BFMTV
Police-Justice

Délinquants relâchés à Chartres: comment est-ce possible?

Jeudi dernier, trois délinquants ont été remis en liberté faute de place à la prison de Chartres (photo d'illustration).

Jeudi dernier, trois délinquants ont été remis en liberté faute de place à la prison de Chartres (photo d'illustration). - -

Faute de place à la maison d'arrêt de Chartres, trois délinquants ont été remis en liberté la semaine dernière. Une situation qui n'a rien d'exceptionnel, au regard de la procédure longue et complexe qui suit une condamnation.

Y a-t-il eu un "couac" dans la procédure qui a permis la remise en liberté de trois délinquants condamnés, jeudi dernier à Chartres? Magistrats et policiers estiment qu'ils ont fait leur travail. Deux syndicats y voient plutôt le symptôme du manque de coordination entre les services de police et de justice. Explications.

> Que s'est-il passé pour que trois condamnés soient relâchés?

Le 22 juillet, le procureur de la République à Chartres a ordonné l'exécution de la peine de trois délinquants, tous condamnés à de la prison ferme. S'agissant de délits mineurs, les policiers disposaient de deux mois pour les interpeller et les amener à la prison de Chartres, où ils devaient purger leur peine. Les forces de l'ordre ont procédé aux trois arrestations le 1er août, puis en ont rendu compte au parquet: "c'est la procédure classique", indique Christophe Rouget, du syndicat majoritaire des officiers de police SCSI-PN. Là, le magistrat de permanence leur a néanmoins signalé alors que la prison était pleine, et que la peine ne pouvait par conséquent pas être exécutée.

> Les policiers auraient-ils dû s'informer avant d'exécuter l'ordre du parquet?

"Le parquet a transmis un ordre à la police, qui l'a exécuté. La procédure veut que les policiers en rendent compte au magistrat seulement après l'arrestation. Il n'y a donc pas eu de faute des policiers", indique Christophe Rouget.

Mais pour Christophe Régnard, le président de l'Union syndicale des magistrats, "le pragmatisme" aurait voulu que la police, souvent confrontée à la surpopulation carcérale, "anticipe la situation en appelant le parquet en amont". Tout en soulignant qu'elle ne l'ait pas forcément jugé nécessaire, s'agissant "de petites peines". 

> Le parquet a-t-il transmis des informations contradictoires?

Le procureur de la République à Chartres a indiqué samedi à l'Agence France-Presse "n'avoir pas reçu la consigne" de ne plus enregistrer d'écrou (faire entrer de nouveaux détenus, ndr) jusqu'au 1er septembre à la maison d'arrêt de Chartres. "Preuve en est, des personnes jugées en comparution immédiate cette semaine ont été condamnées à des peines de prison avec mise sous mandat de dépôt (application immédiate de la peine de prison, ndr)."

Le 1er août néanmoins, le substitut de permanence a informé la police que la prison était pleine. Contacté mardi par BFMTV.com, le parquet de Chartres a indiqué qu'il ne souhaitait pas s'exprimer davantage sur le sujet.

> Les trois hommes ont-ils été définitivement relâchés?

"Il y a eu polémique parce que le substitut du procureur qui a pris la décision de relâcher les trois hommes a indiqué qu'il n'y aurait 'pas de suites judiciaires', comme s'il n'y avait plus de peine. Mais le parquet n'a pas le pouvoir d'annuler une peine!", note Christophe Régnard. "La décision du parquet a simplement valeur de report de peine. D'ici à quelques semaines, une nouvelle fiche sera envoyée pour les faire incarcérer de nouveau."

Les trois individus ne pouvaient en effet pas être non plus être incarcérés dans une autre prison: "Le parquet ne peut faire incarcérer que sur la prison de sa juridiction, précise le magistrat. Un transfert ne peut être effectué qu'après l'incarcération par l'administration pénitentiaire."

Au final, magistrats et policiers pointent le fait que le report d'exécution de peine est une décision "fréquente". Du fait de la longueur des procédures, de la surpopulation carcérale et du manque de coordination entre les différents services de l'Etat, 80.000 à 100.000 peines sont en effet en attente d'exécution chaque année.

Mathilde Tournier