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Police-Justice

Daniel Legrand: ce troisième procès d'Outreau était-il nécessaire?

Daniel Legrand vendredi, quelques minutes après son troisième acquittement.

Daniel Legrand vendredi, quelques minutes après son troisième acquittement. - Damien Meyer - AFP

Daniel Legrand fils a été acquitté pour la troisième fois vendredi dans le dossier Outreau, désormais clos. Retour sur un procès hors-normes, qui a ravivé les terribles douleurs des acquittés et des victimes.

Il est resté les yeux secs à l’énoncé du verdict, mais a esquissé un large sourire, tandis que sa mère et ses soeurs se sont effondrées en larmes de joie et de soulagement. Daniel Legrand fils a été acquitté vendredi par la cour d’assises des mineurs de Rennes. A l’ensemble des questions sur sa culpabilité, les jurés ont répondu par la négative.

La fin d’une odyssée judiciaire longue de quatorze ans pour cet homme qui n’en a que 33, le visage et la santé terriblement marqués par la dureté de ces dernières années. “Je crie mon innocence depuis le début, et justice a été rendue. C’est un grand jour pour moi”, a lâché Daniel Legrand sur les marches du palais, devant une nuée de journalistes. “Je vais retrouver ma vie d’avant. Aller voir mon garçon, et aller voir mon père, qui repose dignement”. Un père qui lui aussi avait été accusé du pire dans ce dossier, avant d’être acquitté en 2004, et de décéder d’un cancer en 2012.

Après trois semaines de débats et un nouvel acquittement, de nombreuses voix s’interrogent: ce procès était-il nécessaire, pour un homme qui au final n'avait jamais été accusé jusqu'à présent directement par les enfants Delay?

Rejugé pour un point de procédure

C'est un point de procédure juridique qui est à l'origine de ce troisième procès. Né en 1981, Daniel Legrand fils était encore mineur au début de la période des faits examinés (1997-2000). A l'époque, la justice avait décidé de le juger devant la même cour d'assises que les dix-sept autres accusés, tous majeurs, pour les faits éventuellement commis lorsqu'il était majeur, laissant de côté ceux supposés dater d'avant sa majorité. 

Une brèche dans laquelle des associations luttant contre la pédophilie se sont engouffrées pour ramener Daniel Legrand en 2015 devant la justice, cette fois-ci devant une cour d’assises des mineurs. Mais après deux acquittements -en 2004 en première instance, et en 2005 en appel -, un dossier d’accusation reposant sur des souvenirs flous des victimes, et un accusé criant son innocence, il était difficile d’imaginer une autre issue à ce procès, qui a rouvert ses plaies. 

Les souvenirs d'enfance questionnés

Les enfants Delay, qui ont subi les pires atrocités durant leur enfance par leurs parents et un couple de voisins, condamnés en 2005, ont eux aussi dû endurer des moments très difficiles durant ce nouveau procès, notamment lorsque leurs souvenirs ont été questionnés. Comme ce 20 mai, où Jonathan Delay, 21 ans, assurance de façade malgré une émotion évidente, a déposé à la barre, répondant aux questions du président de la cour, Philippe Dary.

-J’ai le souvenir d’avoir été violé  -Par qui? -Ils ont été acquittés, la loi m’interdit de les citer. -Est-ce que Daniel Legrand fait partie des gens qui ont abusé de vous? -Oui. Je sais qu’il était là. J’ai certaines images où je le vois chez mes parents. Je ne fais pas de cauchemars de lui personnellement, mais il fait partie de ceux qui nuisent au bon fonctionnement de mes nuits.

"Je repars la tête haute", dit l'une des victimes

Enfin, ce nouveau procès aura aussi ravivé la douleur de dix des treize acquittés, qui ont défilé à la barre lundi et mardi dernier, racontant entre colère, tristesse et amertume leurs vies brisées depuis ce fiasco judiciaire.

Sur les marches du palais, quelques instants après le verdict, Jonathan Delay a toutefois rappelé que ce procès et ce verdict n'étaient "pas un échec". "Je repars la tête haute. La justice a tranché. Je me promenais avec un poids depuis maintenant dix ans, et j’ai eu l’occasion d’être entendu. Je suis parti à la barre, j’ai déposé ce poids, et je suis reparti sans. C’est ce que je voulais. Je me sens un peu délivré. J’ai été reconnu, c’est le principal."

Définitivement, la justice a fermé ce 5 juin 2015 le dossier d’Outreau.

Alexandra Gonzalez