Balkany: Eric Dupond-Moretti peut-il renverser le cours du procès?

Quels vont être les mots de Me Eric Dupond-Moretti pour éviter à Patrick Balkany l'humiliation d'une condamnation et d'une incarcération immédiate? En ce dernier jour de procès, et après cinq semaines de débat marquées par de lourdes réquisitions à l'encontre du maire de Levallois-Perret, la parole de son avocat est attendue. Une plaidoirie pour éviter à son client les 4 ans de prison ferme requis dans le volet de fraude fiscale, et les 7 ans pour la partie "blanchiment de fraude fiscale" et "corruption".
Jean Castella, un temps soupçonné d'être le commanditaire du préfet Erignac, Jacques Viguier, accusé du meurtre de sa femme, la "boulangère" Roselyne Godard dans le procès Outreau sont autant de noms qui ont construit la notoriété d'Eric Dupond-Moretti et lui ont permis d'obtenir le surnom d'"Acquitator". Un parcours judiciaire frappé d'affaires médiatiques qui l'ont conduit à assurer la défense de Jérôme Cahuzac poursuivi pour "fraude fiscale". Il avait obtenu pour l'ancien ministre du Budget une condamnation "équilibrée, de son propre aveu.
"Il est l’homme de la situation car il a une capacité d’adaptation phénoménale, note Me Hubert Delarue, avocat pénaliste qui a longtemps côtoyé Eric Dupond-Moretti. Tout le travail a été fait en amont, par la communication qu’on peut mener ou pas mener."
Se distancier de Balkany
Depuis le premier jour du procès Balkany, Me Eric Dupond-Moretti a basé sa défense sur la dénonciation de la volonté des juges, selon lui, de faire de ce procès un exemple, un procès d'exception. Au premier jour de l'audience, le ténor avait qualifié de "bancal" ce procès. "Est-ce que ça tient à la personnalité de M. Balkany", s'était-il interrogé, estimant que "les éléments à décharge" pour son client ont été gommés du dossier. Lors de sa plaidoirie dans le volet pour fraude fiscale, le pénaliste s'en était pris à "une procédure qui ne sert qu'à humilier".
"J’aime pas les coups de pieds donnés à des mecs qui sont à terre, qu’ils s’appellent Cahuzac ou Balkany", a grondé l'avocat qui a défendu les deux. Il reconnait "les fautes", mais trouve la sanction exigée "excessive", citant les statistiques sur la fraude en France.
Au fil des audiences, deux tendances ont émergé. D'un côté, le maire de Levallois-Perret a mis en avant son histoire familiale pour justifier sa fortune. Tout en avouant avoir omis de déclarer ce pactole, il s'indigne que l'on fasse "le procès des Juifs qui après la Libération ont pris leurs dispositions", suscitant des murmures outrés dans le public. Dans la salle comme en dehors, il assure le spectacle, ce que le juge lui reprochera. A l'inverse, tout au long du procès, Me Eric Dupond-Moretti tente de se dégager de la personnalité de son client, avant d'être rattrapé par le culot de ce dernier.
Quand son avocat Eric Dupond-Moretti tente d'expliquer l'abattement d'un homme de 71 ans qui a retrouvé sa femme inanimée, il le coupe face caméra pour rectifier: "70, ça me suffit. Vous verrez quand vous aurez mon âge".
"Tout sauf la taule"
D'avis de professionnels, Eric Dupond-Moretti a préparé cette plaidoirie de la même manière que les autres. "On n’est pas tenu de coller à la défense présentée en l’espèce M. Balkany, détaille Hubert Delarue, alors que le prévenu réfute encore les accusations de corruption et de blanchiment de fraude fiscale. Pour rendre une défense efficace, et je pense que c’est ce que fera sans doute Eric Dupond-Moretti, il faut se détacher du client, prendre de la distance par rapport à lui".
Lors du procès de Jérôme Cahuzac, il s'était lancé dans une argumentation visant à un "tout sauf la taule" tandis que les réquisitions prévoyaient trois ans de prison ferme. L'ancien ministre, finalement condamné à 4 ans de prison, dont deux an ferme, s'en est sorti avec un bracelet électronique. Me Eric Dupond-Moretti peut-il renouveler l'exercice? "Une excellente plaidoirie peut freiner un moment de sévérité ou au contraire l’amplifier mais ça ne transforme pas totalement l’économie du procès, rappelle Me Hubert Delarue. Tout ce qui devait être fait l’a été fait avant en terme de communication." réponse en septembre.