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Police-Justice

Affaire Maëlys, Alexia Daval: quel rôle pour les avocats de la défense

Me Alain Jakubowicz a été mis en cause par l'avocat des parents de Maëlys.

Me Alain Jakubowicz a été mis en cause par l'avocat des parents de Maëlys. - Capture BFMTV

L'avocat des parents de Maëlys s'en est pris jeudi soir, sans le nommer, à celui de Nordahl Lelandais, lequel a reconnu avoir tué la fillette après six mois de silence. Les avocats des auteurs de crimes présumés doivent-ils encourager leur client à parler? Doivent-ils à tout prix défendre leurs intérêts?

Les questions de Me Fabien Rajon étaient nombreuses jeudi soir. L'avocat des parents de Maëlys de Araujo s'en est pris avec virulence aux axes de défense avancés par son confrère qui représente Nordahl Lelandais, l'auteur présumé du meurtre de la petite fille.

Il y a quelques semaines, déjà, l'avocat de Jonathann Daval, le suspect qui a reconnu avoir tué son épouse Alexia, avait été mis en cause publiquement pour ses arguments. De quoi poser la question du rôle de l'avocat de la défense?

"Le rôle de l’avocat de la défense c’est d’accompagner son client, c’est d’essayer de lui montrer quelles sont les limites de son système de défense et l’amener le plus possible à coopérer dans son intérêt propre", définit Me Marie Grimaud, avocate de l'association Enfance en danger.

"Stratégie de défense inacceptable"

Après six mois de silence, Nordahl Lelandais, confronté à une preuve scientifique, a fini par reconnaître son crime. Un "déclic" provoqué notamment par son avocat. Me Alain Jakubowicz a "beaucoup parlé" avec son client après avoir appris qu'une tache de sang de l'enfant avait été découverte dans sa voiture, l'amenant à révéler la terrible vérité de la mort de Maëlys. Pourtant, jusqu'à ce 14 février, l'avocat s'était évertué à défendre son client, assurant que pour lui "il n'y avait que le dossier". C'est dans ce cadre qu'il avait, notamment, affirmé qu'il ne voyait pas sur les images prises de la voiture de Nordahl Lelandais une petite fille, mais "une silhouette de femme au décolleté profond et carré".

Cette intervention de Me Alain Jakubowicz a été attaquée par l'avocat des parents de Maëlys lors d'une conférence de presse organisée jeudi en fin de journée. "Comment la défense, qui avait pourtant accès au dossier et donc à cette vidéo, a-t-elle pu publiquement affirmer des choses pareilles? Comment la défense a-t-elle pu insinuer que le véhicule n’était pas celui de Lelandais?", s'est notamment interrogé Me Fabien Rajon, se posant la question "des axes stratégiques" de la défense. L'avocat a également critiqué son confrère, sans le citer, pour ses interventions sur les plateaux de télévision pour réaliser des "simulacres de coups de gueule médiatiques".

"Je trouve que mon confrère a fait part à un moment donné d’un manque de retenue", a renchéri Me Grimaud, dont l'association qu'elle représente s'est constituée partie civile dans ce dossier. "C’est souvent ce que nous critiquons sur le banc des parties civiles, il y a des moyens de défense, il y a des stratégies de défense, mais s’arroger la douleur d’une famille pour en faire une stratégie de défense, je trouve ça totalement inacceptable."

L'avocat, pas "un confesseur"

Me Jakubowicz n'est pas le premier à recevoir des critiques sur sa défense. Me Schwerdorffer, avocat de Jonathann Daval, avait été l'objet lui aussi de nombreux reproches, notamment quand il avait évoqué les violences qu'auraient pu subir son client de la part de son épouse. "L’avocat doit être prudent, doit prendre son temps", réagit Me Joseph Cohen-Saban, avocat pénaliste. "Il n’appartient pas à qui que ce soit de venir dire que le procès est terminé. On n'en est qu’au début." Pour le spécialiste, le rôle de l'avocat de la défense n'est pas celui du "confesseur de son client, son directeur de conscience".

"Que les parents attendent une vérité, c’est tout à fait légitime", poursuit Me Cohen-Saban. "Qu’ils le revendiquent lors d’une conférence de presse, admettons-le encore. Maintenant, que les avocats commencent à se lancer à la figure des arguments, alors que le dossier n’est pas du tout stabilisé... Nous apprenons ce matin que Nordahl Lelandais a reconnu avoir pris en stop le caporal Noyer le jour de sa disparition, voyez que la chose évolue sans cesse."

S'insurgeant contre ces affaires qui "se plaident devant les caméras de télévision ou sur les plateaux", l'avocat pénaliste rappelle la présomption d'innocence. "Ce n’est pas à l'avocat de la défense de l’emmener sur le chemin d’une vérité", poursuit le pénaliste. "Venir dire la vérité, souvenons-nous de beaucoup d’affaires récentes où des victimes pouvaient devenir des coupables présumés. Je crois qu’il faut se montrer prudent. La justice est une affaire de réflexion, pas de temps réel."

Justine Chevalier