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Police-Justice

A peine inauguré, le nouveau tribunal de Paris suscite la colère des avocats

Les avocats protestent contre les box vitrés installés dans le nouveau palais de justice de Paris.

Les avocats protestent contre les box vitrés installés dans le nouveau palais de justice de Paris. - Christophe Archambault - AFP

C'est ce lundi que le nouveau palais de justice de Paris ouvrira ses portes. Alors que deux premières audiences vont se tenir au tribunal civil, les avocats, et notamment ceux spécialisés en matière pénaliste, déplorent certaines infrastructures. Ils comptent bien se faire entendre le 23 avril.

Un édifice qui s'étend sur près de 200.000 mètres carrés. 4.000 magistrats et fonctionnaires arpenteront désormais les 24 kilomètres de couloirs dessinés par le célèbre architecte italien Renzo Piano. C'est ce lundi que le nouveau palais de justice de Paris ouvre officiellement ses portes avec au programme deux audiences en référé au tribunal civil. C'est aussi à partir de ce lundi que les avocats, alors que certains ont déjà été invités à visiter le bâtiment, vont pouvoir découvrir leur nouveau lieu de travail.

"Je pense que nous allons découvrir beaucoup de chose", redoute Me Christian Saint-Palais.

Car à peine inauguré, le nouveau tribunal de Paris, situé dans le quartier des Batignolles à la périphérie de la capitale, suscite déjà de vives critiques. A commencer par l'installation de box vitrés dans les salles d'audience. "Les cages en verre sont apparues la semaines dernière", déplore le président de l'association des avocats pénalistes (ADAP) qui prévoit une action pour le 23 avril prochain, jour des premières comparutions immédiates dans les nouvelles salles d'audiences. Les robes noires entendent demander le report des audiences si les prévenus ne sont pas extraits des box.

Mobilisation contre les box vitrés

Il y a quelques semaines, les avocats se sont déjà mobilisés et avait attaqué l'Etat pour faire retirer ces installations dans tous les tribunaux de France dénonçant une atteinte à la présomption d'innocence et à la dignité humaine. Avant d'être déboutés en février dernier. "Nous, les 30.000 avocats de Paris, n'avons pas été consultés, insiste Me Caroline Mecary. Les avocats ne savaient pas qu'il y aurait des box dans le nouveau tribunal de Paris." "Jamais il n’y a eu de box dans les salles d'audience où sont jugés les comparutions immédiates, abonde encore Me Christian Saint-Palais. C’est tellement insensé comme dérive."

Pour l'avocat pénaliste, cette situation est inquiétante alors que ce nouveau tribunal à Paris est le premier à ouvrir depuis le début des années 2000. "Avec ce nouveau palais de justice, nous allons poser les bases de la justice du XXIe siècle, prévient-il. Il ne faut pas que le tribunal ouvre sous ces auspices-là."

L'Ordre des avocats de Paris s'est associé à cette contestation en réclamant "le démantèlement total et sans exception des box de verre et ce, avant que ne vivent les premières audiences correctionnelles". "Aucune procédure ne justifie, par principe, qu’il soit porté atteinte au plein exercice de la défense", a insisté l'institution dans un communiqué estimant que ces installations se faisaient au nom "d'une prétendue sécurité". Une requête partagée par le Conseil national des barreaux.

La ministre penche sur une solution

"Il faut bien voir que ces box n’ont pas été décidés hier matin, a rétorqué la ministre de la Justice ce lundi sur France Culture. Cela fait très longtemps que dans le cadre d’une politique de sécurisation, aussi bien pour les magistrats que pour les publics et pour prévenir les évasions, la mise en place de box a été promue dans tous les tribunaux de France."

"Je ne suis pas favorable par principe à ces box vitrés", a poursuivi Nicole Belloubet, estimant qu'ils sont nécessaires dans certaines salles comme celles qui "gèreront les procès anti-terroriste". Et de poursuivre: "Il n’est pas nécessaire de placer des box vitrés partout (...) il faut qu’on ait une politique adaptée et proportionnée. Je ne doute pas qu’on trouvera une solution."

"Déshumaniser"

D'autres points risquent toutefois de cristalliser les tensions entre les avocats et la Chancellerie. A commencer par l'interdiction faite aux élèves avocat d'accéder à certaines audiences comme devant le juge d'application des peine, celui des libertés et de la détention ou encore devant le tribunal pour enfants. "Ils sont en formation, ils ont toujours accompagné leur maître de stage aux audiences, rappelle le président de l'ADAP. Rien ne le justifie. On veut filtrer au maximum."

Les avocats y voient une volonté de "déshumaniser" la justice, avec une structure qui a été conçue pour que robes rouges et robes noires ne se croisent jamais.

"Le lien humain, dans nos métiers, c’est important, conclut Me Mecary. Pouvoir se parler est important. Nous appartenons à la même famille, nous pouvons discuter ensemble. Beaucoup de choses peuvent être réglées par la bonne entente et le dialogue."
Justine Chevalier