Rock en Seine: comment un collectif contre l'antisémitisme a tenté d'interrompre le concert de Kneecap

Une manifestante est expulsée par la sécurité après avoir tenté d'interrompre le concert de Kneecap à Rock en Seine le 24 août - Photo par GUILLAUME BAPTISTE / AFP
Quelques secondes de happening, des sifflets et des pancartes "Antisémites hors de nos fêtes" brandies au-dessus de la foule. Lors du concert sous très haute surveillance du groupe nord-irlandais Kneecap, accusé de soutenir le Hezbollah, plusieurs personnes appartenant au collectif "Nous Vivrons", engagé contre l'antisémitisme, ont tenté ce dimanche d'interrompre le spectacle, mais ont vite été évacuées par la sécurité.
"Quelqu’un veut nous empêcher de jouer, lance le chanteur, tandis que la foule crie "Libérez la Palestine" en anglais. C’est que de l’amour, c'est du soutien à la Palestine." "Ils ont essayé de nous virer de l’affiche, ils espéraient que cela nous mettrait en colère. Ils croient que nous sommes aussi violents qu’eux. Ils se trompent", renchérit un autre membre du trio avant de poursuivre le concert.
Durant le concert, Kneecap a évoqué à plusieurs reprises la situation au Proche-Orient et a réaffirmé son soutien aux Palestiniens: "Netanyahu est un criminel de guerre" et "si vous n'appelez pas cela un génocide, comment appelez-vous cela ?", a lancé l'un des membres.
"Free, free Palestine !" a aussi crié à plusieurs reprises le groupe, en haranguant une foule enthousiaste où étaient visibles des keffiehs et des maillots irlandais. Puis de temporiser: "Nous ne sommes pas contre Israël, je sais que nous sommes en colère, mais nous sommes seulement ici pour nous amuser".
Plainte contre deux festivaliers
Les manifestants ont quant à eux été exfiltrés du festival après ce happening. "Nous avons été raccompagnés au métro par la police, pour notre sécurité, car c’était violent autour de nous", a assuré Benjamin Cymerman, vice-président du collectif Nous vivrons, au Parisien.
"Nous avons identifié deux personnes contre lesquelles nous allons déposer plainte", a-t-il ajouté. Nous aurions voulu arrêter le concert, mais nous sommes au moins satisfaits de l’avoir interrompu. On n’a rien contre les artistes qui veulent une Palestine libre. Nous sommes aussi partisans de deux États. Mais nous luttons contre l’antisémitisme et nous estimons que ce groupe qui soutient le Hezbollah n’a pas sa place dans les festivals."
Longue polémique
Depuis plusieurs mois, le groupe de Belfast est sous le feu des projecteurs depuis qu'il a pris l'habitude de faire de ses shows une tribune pour la cause palestinienne sur fond de guerre dans la bande de Gaza et que l'un des membres du trio, Liam O'Hanna dit Mo Chara, est poursuivi pour "infraction terroriste".
Lors d'un concert à Londres en 2024, il s'était couvert d'un drapeau du Hezbollah, mouvement islamiste libanais pro-iranien, ennemi juré d'Israël, classé "terroriste" au Royaume-Uni. Il avait aussi crié: "Allez le Hamas! Allez le Hezbollah!". Mo Chara a comparu mercredi dernier dans la capitale britannique puis est reparti libre, la décision étant ajournée au 26 septembre.
Ces épisodes judiciaires n'empêchent pas le groupe de poursuivre sa tournée à guichets fermés, comme à Glastonbury fin juin, où il avait accusé Israël d'être un État "criminel de guerre". Il a en revanche été privé du festival Sziget de Budapest, après une interdiction d'entrée sur le territoire rendue par le gouvernement hongrois, proche allié d'Israël.
Concert clivant
La présence de Kneecap à Rock en Seine a elle aussi suscité de vives critiques en France. Yonathan Arfi, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a notamment demandé la déprogrammation du groupe la semaine dernière. "Ils profanent la mémoire des 50 Français victimes du Hamas le 7-Octobre comme de toutes les victimes françaises du Hezbollah", avait-il dénoncé sur X.
La ville de Saint-Cloud a par ailleurs retiré pour la première fois sa subvention de 40.000 euros au festival en juillet. La région Ile-de-France a fait de même, en annulant en fin de semaine ses aides pour l'édition 2025. Son enveloppe s'élevait à 295.000 euros en 2024, à laquelle s'ajoutent 150.000 euros d'aides indirectes à travers l'achat de billets.
Le désengagement de ces collectivités ne met toutefois pas en jeu la viabilité du festival, dont le budget est compris entre 16 et 17 millions d'euros cette année.
"C'est un choix assumé", a souligné Matthieu Ducos, directeur du festival auprès BFMTV. "Suite à leurs prises de position, aux polémiques, mais surtout à leurs clarifications, sur quels étaient leurs messages, qu'est-ce qu'ils soutenaient et qu'est-ce qu'ils rejetaient - en l'occurrence le terrorisme, la violence faite aux civils - nous a confortés dans l'idée que c'était un groupe qui avait sa place sur le festival".