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Beyoncé enfin sacrée aux Grammys après des années de controverse

Beyoncé remportant le Grammy Award d'album de l'année, le 2 février 2025

Beyoncé remportant le Grammy Award d'album de l'année, le 2 février 2025 - Amy Sussman - Getty Images North America - Getty Images via AFP

La chanteuse américaine a remporté la récompense suprême d'album de l'année. Ce prix s'était toujours obstinément refusé à elle, alimentant les accusations de biais raciste au sein de l'Académie.

La fin de 15 ans de polémique. En remettant le prix d'album de l'année à Beyoncé pour Cowboy Carter, dimanche 2 février, les Grammy Awards ont réparé ce que nombre d'observateurs percevaient comme une injustice. Nommée pas moins de quatre fois dans cette catégorie par le passé, la superstar de 43 ans avait toujours vu ce trophée, récompense suprême de ces Oscars de la musique, lui échapper. Une situation qui a longtemps alimenté les accusations de racisme à l'encontre des membres votants de l'Académie.

"Cela fait bien des années", a déclaré la chanteuse dans un rire en récupérant son prix, allusion à peine masquée à la patience dont elle a dû faire preuve avant de l'obtenir.

Sa première déception remonte à 2010: nommée pour son album I Am... Sasha Fierce, Beyoncé s'incline cette année-là face à Fearless de Taylor Swift. En 2015, son disque Beyoncé ne fait pas le poids face à Morning Phase, de Beck. Deux ans plus tard, l'album visuel Lemonade, ultra-salué par le public et la critique, perd contre 25, d'Adele. Le scénario se répète une dernière fois en 2023, quand le trophée lui est ravi par Harry's House de Harry Styles, malgré le carton de son album Renaissance.

Malaise général

À chaque défaite, l'incompréhension grandit, et gagne les récipiendaires du prix eux-mêmes. Quand Adele est récompensée en 2017, elle consacre la majeure partie de son discours de remerciements à regretter que le prix ne soit pas revenu à l'album de Beyoncé:

"'Lemonade' était tellement monumental, Beyoncé, tellement monumental et tellement bien pensé, tellement magnifique, incarné", avait-elle déclaré face à une Beyoncé émue.

La diva britannique avait conclu son allocution en brisant le trophée, comme pour le partager avec la chanteuse de Crazy in Love.

À la lassitude s'est ajouté un paradoxe quand, en 2023, Beyoncé est devenue l'artiste la plus récompensée de l'histoire de Grammy Awards. Son époux, le rappeur Jay-Z, a alors lui-même commencé à montrer des signes d'impatience. Lors des Grammys 2024, un an après l'échec de Renaissance, le rappeur a mis les pieds dans le plat en récupérant un prix pour l'ensemble de sa propre carrière:

"(Beyoncé) a plus de Grammys que quiconque et n'a jamais remporté l'album de l'année", a-t-il dénoncé au micro. "Même selon votre propre système de mesure, ça n'a pas de sens."

Il existe une constante dans les échecs de Beyoncé au prix d'album de l'année; à chaque fois, c'est un artiste blanc qui s'est imposé face à elle. De quoi alimenter les accusations de biais raciste au sein de l'Académie, composée de plus de 13.000 membres de l'industrie musicale. Des accusations mis en lumière par des chiffres.

En comptant la toute récente victoire de Cowboy Carter, seuls onze artistes noirs ont remporté le prix d'album de l'année depuis la création des Grammy Awards, il y a 67 ans. De la même manière, une étude révélée par CNN en 2021 révélait que les artistes noirs n'ont représenté que 26,7% des nominations dans les principales catégories entre 2012 et 2020, alors qu'ils ont constitué 38% des artistes classés dans le Top 100 américain sur la même période.

"Minimisation de ce que les artistes noirs ont réalisé"

L'année de la victoire d'Adele, le hashtag #GrammysSoWhite a émergé sur X (alors baptisé Twitter). Cette même année, le chanteur Frank Ocean avait annoncé boycotter le programme, malgré le carton de son album Blonde, qu'il n'avait même pas souhaité soumettre au processus de nominations:

"Les Grammy n'ont pas l'air d'œuvrer à la représentation des gens qui viennent d'où je vienne", avait-il expliqué au New York Times.

De même, en réaction au coup d'éclat de Jay-Z aux Grammys 2024, la professeure associée en histoire afro-américaine de l'université de Duke Adriane Lentz-Smith analysait auprès de USA Today:

"Je ne crois pas que Jay-Z ne prenait que la défense de Beyoncé. Je crois plutôt qu'il pointait du doigt les Grammys pour un schéma ou une pratique répétée, de minimisation de ce que les artistes noirs ont réalisé."

Des accusations dont les Grammy Awards se sont, sans surprise, toujours défendus. "Je ne crois pas qu'il y ait le moindre problème (de racisme), avait ainsi déclaré le président des Grammy Neil Portnow au média Pitchfork, en 2017.

"Les prix sont votés par les pairs", avait-il rappelé. "Alors quand on parle des Grammys, on ne parle pas d'une société mais des 4.000 membres de l'Académie."

Double symbole

Racisme ou pas, le fait que Beyoncé ait enfin remporté le prix de l'album de l'année grâce à Cowboy Carter offre à cette victoire une symbolique particulière. Car ce disque sonne en lui-même comme une tentative de dépasser les frontières tacites imposées aux artistes noirs.

Cowboy Carter est un album country, à mille lieues de la pop mâtinée de R'n'B qui a fait le succès de Beyoncé. La superstar, qui revendique depuis des années ses convictions progressistes et ses racines afro-américaines, enfonce avec ce disque les portes d'un genre associé au conservatisme et dont les égéries sont blanches.

Ainsi, en récupérant ce trophée tant convoité, la chanteuse de Texas Hold 'Em a annoncé le dédier à "Miss (Linda) Martell", la première femme noire qui a rencontré le succès dans la country à la fin des années 1960, d'après le site Taste of Country. L'artiste de 83 ans est d'ailleurs entendue sur Spaghettii, l'un des morceaux de Cowboy Carter. "Et j'espère que nous continuerons à avancer, et à ouvrir des portes", a conclu Beyoncé.

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV