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Miss Tahiti: une institution polynésienne, loin des débats de la métropole

Tumateata Buisson, Miss Tahiti 2021

Tumateata Buisson, Miss Tahiti 2021 - Bertrand Noël - SIPA - TF1

Alors que les concours de Miss font l'objet de polémiques dans l'Hexagone, l'élection de Miss Tahiti est un événement en Polynésie et ouvre de nombreuses portes aux gagnantes.

Même au volant, Tumateata Buisson ne passe pas inaperçue sur les routes tahitiennes. Sa voiture, un cadeau reçu lors de son élection, affiche son titre orné de fleurs: Miss Tahiti. Elle fait figure d'institution polynésienne et n'a pas le droit de décevoir.

À peine en descend-elle qu'une petite fille lui demande un selfie. Tumateata Buisson en accorde plusieurs dizaines chaque jour, sans se départir de son sourire. Dans cette collectivité ultra-marine où les villages, mais aussi certaines marques, peuvent élire leur Miss, l'opposition féministe à ces élections rencontre peu d'écho.

"La femme se place où elle le souhaite, dans un concours de beauté ou dans tout autre projet qui lui permet de s'épanouir: nous avons toutes les capacités de faire des choix raisonnés", explique à l'AFP Tumateata Buisson.

"Miss Tahiti n'est pas réduite à faire de la représentation, c'est une jeune femme engagée, sûre d'elle et qui a fait un choix", estime aussi Leïana Faugerat, la présidente du Comité Miss Tahiti. Selon elle, la reine de beauté n'est pas qu'un corps, "elle est le porte-parole de messages sur les valeurs positives qui doivent être le socle de notre société".

"L'ambassadrice des traditions polynésiennes"

Les concours de Miss régionales sont parfois jugés désuets en métropole. Il n'en est rien en Polynésie. Il y a même deux soirées pour Miss Tahiti: le gala, pour présenter les candidates, puis l'élection proprement dite, dans un décor somptueux dans les jardins spacieux de la mairie de Papeete.

Pour la photographe Dominique Pétras, qui a organisé l'élection pendant une dizaine d'années, Miss Tahiti "est l'ambassadrice de la culture et des traditions polynésiennes". Elle est donc un emblème bienvenu pour le tourisme, première ressource économique locale.

Lors de son élection, Miss Tahiti remporte de nombreux cadeaux de grande valeur pour une jeune femme souvent étudiante, dont une voiture et deux allers-retours Papeete-Paris. Elle gagne aussi le droit de représenter Tahiti au concours de Miss France. Parmi les huit dernières Miss Tahiti, sept ont atteint le podium de Miss France: trois deuxièmes dauphines, trois premières dauphines, et une gagnante, Vaimalama Chaves, Miss France 2019.

Le "mythe de la vahiné"

"Miss Tahiti n'échappe pas au mythe de la vahiné, elle représente les îles exotiques du bout du monde et invite au voyage, à l'évasion", reconnaît Leïana Faugerat. Tout en soulignant "le charisme et la personnalité" qui ont permis à ses candidates de séduire au plan national.

La maîtresse de conférences en sociologie Laura Schuft explique aussi ce succès par l'importance de la beauté exotique féminine dans le regard occidental, devenue fierté polynésienne: "Ce prisme de regard sur la Polynésie constitue un des principaux discours et regards coloniaux valorisants".

Cela conforte "l'appropriation de cette image (la Polynésie représentée par la figure de la jeune femme exotique) dans les discours et mises en scènes 'nationalistes', de fierté locale", analyse Mme Schuft.

Tremplin professionnel

Lorsqu'elle est revenue, le diadème sur la tête et l'écharpe de Miss France au cou, Vaimalama Chaves a été célébrée comme une reine, avec un défilé sur un char fleuri à travers Papeete devant plusieurs milliers de Polynésiens.

Elle est aujourd'hui influenceuse et chanteuse. Mareva Galanter, la précédente Miss Tahiti à avoir été élue Miss France, en 1999, a aussi fait une carrière de chanteuse et d'animatrice de télévision. Mais en Polynésie, nul besoin de décrocher le titre suprême: sur un CV, Miss Tahiti suffit à ouvrir bien des portes, notamment dans la communication. "C'est un tremplin", confirme Leïana Faugerat.

Tumateata Buisson travaille d'ailleurs dans le même service de communication que Hinarere Taputu, Miss Tahiti 2014, première dauphine de Miss France 2015 et retenue parmi les 11 finalistes de Miss Monde 2015.

Plusieurs concours parallèles

Miss Tahiti est à la fois une personnification de la Polynésie et une ode au métissage. En Polynésie, chaque communauté ethnique a sa Miss (Miss Popa'a pour les Européens, Miss Dragon pour les Chinois), mais les dernières Miss Tahiti sont toutes métissées. Tumateata est ainsi d'origine tahitienne, mais également chinoise et popa'a.

Cette vénération d'une plastique irréprochable peut surprendre dans une Polynésie où 70% des adultes sont en surpoids. Mais Vaimalama Chaves, qui a souffert de surpoids à l'adolescence, a profité de son règne pour combattre la grossophobie et le rejet des différences.

B.P. avec AFP