"Il a toujours été solitaire": comment Michel Blanc a quitté le Splendid avec "Viens chez moi, j’habite chez une copine"

Michel Blanc dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" de Patrice Leconte - StudioCanal
Après Les Bronzés et Les Bronzés font du ski, c'est l'autre film culte du début de carrière de Michel Blanc. Réalisé aussi par Patrice Leconte, Viens chez moi, j’habite chez une copine (1981) est une comédie sociale sur la précarité des jeunes. Et un des rôles les plus marquants de l'acteur, qui y montre toute la subtilité de son jeu.
Michel Blanc incarne Guy, un personnage semblable à Jean-Claude Dusse, un incorrigible coureur de jupons qui vit de magouilles et squatte chez ses amis. Malgré les similitudes avec le héros des Bronzés, Michel Blanc insuffle davantage d'émotion à ce personnage de loser qui commence alors à lui coller à la peau.
Le projet est né en 1979 sur le tournage des Bronzés font du ski, d'une envie de Michel Blanc de travailler en solo avec Patrice Leconte. "Ce n'est pas qu'il avait envie de s'échapper du Splendid mais il a toujours été plus volontiers solitaire", commente-t-il dans notre podcast Comédies Club. "Il me disait: 'On devrait écrire des films ensemble'."
"Un très bon dialoguiste"
Lorsque Christian Fechner, producteur notamment de L'Aile ou la Cuisse, propose à Patrice Leconte de réaliser une adaptation de la pièce Viens chez moi, J'habite chez une copine, le cinéaste suggère aussitôt le nom de Michel Blanc comme partenaire d'écriture. "C'est comme ça qu'on a pris la tangente par rapport au Splendid."
Pour écrire le scénario, les deux hommes ont une méthode de travail bien rodée. Une répartition des tâches qui leur permet d’écrire un script particulièrement drôle et efficace. "C'était des séances de travail joyeuses et intenses pour essayer de faire le mieux possible", s'enthousiasme Patrice Leconte.
"On se voyait tous les jours, on écrivait les scènes, la construction du film", ajoute-t-il. "Et puis, en fin d'après-midi, vers 17 h, je m'en allais et lui dialoguait les scènes qu'on avait inventées dans la journée. Le lendemain, quand j'arrivais, il me lisait les scènes qu'il avait dialogué. C'était un très bon dialoguiste. Il a écrit des dialogues épatants."
"Il était question de partouze"
Un jour, Michel Blanc a un blocage. Impossible de dialoguer une scène. "Si je n'y suis pas arrivé, c'est parce que la scène n'est pas bien conçue", souffle l'acteur à son metteur en scène. "Il avait raison. On a retravaillé cette scène et il a pu la dialoguer. Et ça m'est toujours resté. Si j'ai retenu une chose essentielle dans mon travail, c'est ça."
La pièce d'origine, signée Luis Rego, Jean-Luc Voulfow, Jean-Paul Sèvres et Didier Kaminka, avait été créée en mars 1975 au théâtre Édouard VII, à Paris. Et elle parlait sans tabou de sexe. Dans leur travail d'adaptation, Michel Blanc et Patrice Leconte choisissent de garder le titre, mais de changer intégralement l'histoire.
"Dans la pièce, il était question de partouze", précise Patrice Leconte. "Il en reste un petit peu (dans le film) avec le personnage d'Anémone (dans la scène où) ils jouent au Scrabble et qu'elle 'frétille à l'idée qu'on est tous à poil et qu'on s'enfile dans les coussins'."
"Il y avait eu une ou deux situations assez amusantes, plaisantes (mais) l'argument de la pièce était un peu mince", poursuit Patrice Leconte. "Ça marchait au théâtre, sûrement, mais je crois que ça n'aurait pas marché dans un film. Donc on a écrit à notre idée librement et personne ne nous en a jamais voulu."
Comédie sociale
Le duo écrit donc un film sur la réalité économique de la France des années 1980. "Dans Viens chez moi, il y a ce goût pour des espèces de marginaux", glisse Patrice Leconte. "Ce sont des gens qui ont un emploi, qui gagnent un peu d'argent mais qui dans deux mois vont être virés et devront trouver autre chose."
"Je n'ai jamais eu l'impression ou la volonté d'être témoin de mon temps. Dans la plupart des films que j'ai faits, j'essaie au maximum d'échapper à l'époque actuelle. Mais c'est vrai qu'avec le recul, je me rends compte que Viens chez moi est très daté (et) témoigne d'une réalité des années 80", concède le réalisateur.
Dans Viens chez moi, j'habite chez une copine, Michel Blanc joue un personnage dans la lignée de Jean-Claude Dusse. Même moustache, même crâne dégarni, même dégaine de loser. Mais Michel Blanc le joue différemment que dans Les Bronzés. A l’écran, toute la subtilité de son jeu éclate.
"Il a pendant longtemps joué des personnages qui, à leur manière, étaient des perdants, mais il ne les a pas tous joués de la même manière. Jean-Claude Dusse, c'est un perdant un petit peu lamentable. Dans Viens chez moi, Guy est un perdant positif et enthousiaste. Il vit ça avec une gaieté folle. C'est un loser très joyeux", analyse-t-il.
"On se voyait très peu"
Sur le tournage, malgré son implication dans le scénario, Michel Blanc se montre humble, discret, travailleur. "Jamais, sur le tournage il ne s'est comporté comme le co-scénariste ou le dialoguiste du film. Jamais. À partir du moment où le tournage a commencé, il a été le comédien qui jouait Guy, et c'était tout."
Mais en découvrant le film, Michel Blanc a une réaction pour le moins étonnante. "Dans la salle de projection du studio de Boulogne, on était que tous les deux. Le film se déroule. Pas de réaction particulière. Puis le film se termine et la salle se rallume. Il me dit 'Oui, c'est bien, c'est très bien. Mais est ce que tout ça est bien intéressant?'"
En salles en janvier 1981, Viens chez moi, j'habite chez une copine est un grand succès, avec 2,8 millions de spectateurs. Le réalisateur et l'acteur ont retravaillé ensuite de nombreuses fois, notamment sur Monsieur Hire. Mais même après avoir travaillé aussi longtemps avec lui, Michel Blanc reste pour Patrice Leconte un mystère.
"Entre les films, on se voyait très peu", révèle le réalisateur. "Il y avait de la confiance, de la complicité, une vraie amitié entre nous qu'on n'a pas entretenues en dehors des tournages. C'est pour ça qu'il est resté pour moi quelqu'un d'assez mystérieux, qu'il avait ses zones d'ombre."