"Blanche-Neige": pourquoi la nouvelle version est-elle si controversée?

Opération périlleuse pour Disney. Le géant du divertissement américain sort ce mercredi 19 mars en salles une relecture de Blanche-Neige, son classique animé de 1937. Un nouvelle mouture en prises de vues réelles qui, depuis le début de son développement, il y a quelques années, enchaîne les polémiques.
Les conditions de son avant-première hollywoodienne, qui s'est tenue samedi 15 mars à Hollywood, rendent compte du numéro d'équilibriste auquel s'adonnent les studios: aucune interview de journalistes n'a été autorisée sur le tapis rouge, où les stars Rachel Zegler et Gal Gadot (Blanche-Neige et la méchante reine) sont apparues tout sourire. La police de Los Angeles avait même quadrillé le bloc afin que l'événement ne soit pas perturbé par des manifestations d'opposants au film.
Quelques jours plus tôt, une première européenne très confidentielle avait été organisée dans un château de Ségovie, en Espagne, à laquelle peu de médias avaient été invités. Une discrétion inhabituelle pour un film dont le coût de production est estimé à plus de 200 millions de dollars, sans même compter le budget marketing. Retour sur les raisons d'une sortie sous haute tension.
"Je ne blanchirai pas ma peau"
Les critiques ont commencé à pleuvoir dès 2021 lorsque Rachel Zegler, de mère colombienne et de père polonais, a été retenue pour le rôle-titre de ce conte de fées des frères Grimm. Un choix dénoncé par certains fans et commentateurs conservateurs criant au "wokisme" - un terme péjoratif utilisé pour dénoncer un excès supposé de militantisme visant à satisfaire les revendications de minorités.
"Oui, je suis Blanche-Neige, non, je ne blanchirai pas ma peau pour le rôle", avait répondu l'actrice, réputée pour faire preuve d'un franc-parler inhabituel à Hollywood, dans un message sur les réseaux sociaux depuis supprimé.
Car dans le dessin animé d'origine, Blanche-Neige porte ce nom en raison de la blancheur de sa peau. L'adaptation de 2025 efface cet élément par une pirouette: cette fois, c'est parce que la princesse est née un jour de neige que ses parents lui ont choisi ce patronyme.
Des critiques mal perçues contre le film d'origine
La polémique a redoublé lorsque l'actrice de 23 ans, révélée en 2021 par le remake de West Side Story de Steven Spielberg, a commencé à se montrer très critique envers le dessin animé d'origine: un film "extrêmement daté" et "bizarre", a-t-elle ainsi déclaré ces dernières années, en raison de l'amour de l'héroïne pour "un gars qui, littéralement, la harcèle".
Cette fois, Blanche-Neige "ne sera pas sauvée par le prince et elle ne rêvera pas d'un amour véritable", avait-elle aussi assuré dans un entretien qui a déçu ceux qui espéraient retrouver ces motifs traditionnels du conte dans la nouvelle version.
Les sept nains n'en sont plus
Une autre polémique retentissante a surgi dès 2022 lorsque Peter Dinklage, l'un des acteurs nains les plus célèbres de Hollywood (Game of Thrones), a dénoncé "l'hypocrisie" de Disney qui se montre "fier d'avoir choisi une actrice latino pour incarner Blanche-Neige", tout en réadaptant une "histoire rétrograde de sept nains vivant dans une grotte".
Une critique qui avait forcé Disney à prendre la parole, pour assurer qu'ils adopteraient "une approche différente avec ces sept personnages". Mais les déclarations de Peter Dinklage ont aussi fait naître des désaccords chez les principaux concernés. Ainsi, l'acteur et catcheur professionnel Dylan Mark Postl, lui-même nain, avait estimé que Peter Dinklage heurtait "la communauté des acteurs atteints de nanisme" parce qu'il suggère de supprimer ces rôles, alors qu'il n'y en a "pas beaucoup pour (eux) à Hollywood".
De fait, Grincheux, Simplet, Prof et les autres ont effectivement été repensés dans cette nouvelle version, prenant la forme de créatures magiques semblables à des gnomes, créées par ordinateur - privant, de fait, des acteurs de petite taille d'un rôle au cinéma.
Modernisations "artificielles"
Ainsi, le film enchaîne les modernisations... au risque d'y aller avec de trop gros sabots: "On modernise en essayant de gommer tout ce qui pouvait faire daté, notamment rendre Blanche-Neige plus féministe", résume Claire Fleury, journaliste cinéma chez BFMTV.
"Par exemple, quand elle fait le ménage, elle n'est plus toute seule mais accompagnée des sept nains."
"Quand elle affronte la méchante reine, c'est pareil: elle prend son destin en mains et c'est elle qui l'affronte toute seule, elle n'a plus besoin du prince charmant. Globalement, ça fait un film plutôt sympathique. Mais pour moi, c'est plutôt artificiel."
Comédiennes politisées
Sans compter les prises de positions politiques clivantes de chacune des deux actrices du film. Après la réélection de Donald Trump, en novembre dernier, Rachel Zegler a publié un message virulent sur Instagram dans lequel elle disait espérer que "les soutiens et les électeurs de Trump, ainsi que Trump lui-même, ne connaissent jamais la paix." Des déclarations pour lesquelles elle a présenté des excuses quelques jours plus tard.
Gal Gadot, de son côté, a condamné l'attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 qui a fait 1.199 victimes, majoritairement des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles. 251 personnes ont été enlevées ce jour-là, dont 58 sont encore retenues en otage à Gaza.
"Jamais je n'aurais imaginé que dans les rues des États-Unis, et dans différentes villes autour du monde, nous verrions des gens ne pas condamner le Hamas, mais surtout célébrer, justifier, acclamer un massacre de juifs", a déclaré Gal Gadot, elle-même israélienne, début mars.
L'attaque du 7 octobre 2023 fait depuis l'objet d'une riposte meurtrière de l'armée israélienne, qui a juré d'anéantir le Hamas. 48.572 personnes ont trouvé la mort à Gaza depuis le début de l'offensive, selon des données du ministère de la Santé du Hamas.
Ainsi, Disney défend un film dont l'une des égéries critique violemment l'Amérique trumpiste, quand l'autre prend position sur ce qui constitue sans doute le conflit géopolitique le plus clivant du monde. Un enième caillou dans les escarpins d'un live-action dont les chances de succès semblent bien inférieures à celles de ses prédécesseurs: les nouvelles versions de La Belle et la bête, Le Roi lion et Aladdin ont toutes dépassé la barre du milliard de dollars de recettes au box-office mondial.