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Cinéma

Après "Comme des riches" et "L'Homme qui rétrécit", Universal veut moins miser sur les films français

Des visiteurs se rassemblent devant le globe d'Universal à Singapour, le 25 septembre 2019.

Des visiteurs se rassemblent devant le globe d'Universal à Singapour, le 25 septembre 2019. - Roslan RAHMAN / AFP

Après avoir assuré fin juin qu'elle n'investirait plus dans les films hexagonaux, la filiale française du studio, qui distribue Comme des riches ce 23 juillet, s'est rétractée, mais a indiqué qu'elle serait plus "sélective". Jusqu'à réduire beaucoup la voilure?

Saint-Tropez, un yacht, des couleurs criardes, une supercherie et des pseudos-princes richissimes. Comme des riches d'Amin Harfouch, avec Brahim Bouhlel, Fehdi Bendjima et Armindo Alves et, en guest-stars, Philippe Lacheau, Philippe Katerine et Frédérique Bel, débarque en salles ce 23 juillet. Mais cette comédie pourrait être l'un des derniers films français accompagnés par le géant Universal.

C'est en tout cas ce qu'a affirmé fin juin Xavier Albert, le directeur général de la filiale française, à Écran total, média professionnel spécialisé dans le cinéma et la télévision: "Pour des raisons cohérentes, nous arrêtons officiellement les films français. En cause, leurs résultats jugés "trop aléatoires": "Quand une œuvre [tricolore] trouve son public, elle fonctionne excessivement bien, mais quand elle échoue, il n'y a pas de limite."

Conclusion du studio: "Nous suspendons tous nos investissements sur ces films car nous n'avons pas les armes nécessaires pour lutter en termes d'attention et de talents avec seulement deux ou trois longs métrages par an. Il nous reste deux longs métrages français à sortir [Comme des riches donc et L'Homme qui rétrécit de Jan Kounen, avec Jean Dujardin, en salles le 29 octobre prochain], puis nous arrêterons là." Et de préciser, dans cette même interview: "Je refuse systématiquement tous les projets de ce type qu'on m'envoie".

Après ces propos très tranchés, Universal Pictures International France, qui accompagne la production locale depuis 2008, s'est finalement rétracté. Une source proche du studio a indiqué fin juin à Variety qu'il "continuerait en fait à sortir des films en langue française, mais serait plus prudent et sélectif à l'avenir". Contactée, la firme n'a pas répondu à nos sollicitations.

Résultats en berne

Ces dernières années, le quatrième distributeur en France en 2024 - derrière Disney, Warner Bros. et Pathé Films - a principalement produit et distribué des comédies tricolores légères ou des films "à concept", capables de toucher le plus grand public. Pour des résultats plus que mitigés: depuis 2022, ses films hexagonaux ont plafonné à 175.000 entrées maximum, selon les chiffres de CBO.

Par exemple, la comédie Anges & Cie de Vladimir Rodionov a totalisé un peu plus de 110.000 entrées en mai 2025, le film de course Rapide de Morgan S. Dalibert en a récolté 172.000 en avril. Un peu plus tôt, le premier long métrage de Reda Kateb, Sur un fil, n'avait attiré que 72.000 spectateurs à l'automne dernier, quand La plus belle pour aller danser de Victoria Bedos et Mon héroïne de Noémie Lefort en avaient enregistré quelque 110.000 entrées en 2023 et 2022.

Des scores pour le moins timides, qui tranchent avec ses jolis succès made in France d'il y a quelques années, comme Les Crevettes pailletées de Cédric Le Gallo et Maxime Govare (580.000 entrées en 2019), Babysitting et Babysitting 2 de Philippe Lacheau et Nicolas Benamou (respectivement 2,4 millions en 2014 et 3,2 millions d'entrées en 2015) ou encore L'Arnacœur de Pascal Chaumeil (3,8 millions en 2010).

Loin aussi des scores des blockbusters hollywoodiens du studio, qui trustent très souvent les premières places du box-office, mais dont les budgets avoisinent quelques centaines de millions d'euros - quand ses productions locales s'avèrent bien plus confidentielles, généralement entre 4 et 6 millions d'euros ces derniers mois, à l'exception de Rapide, à 14,45 millions d'euros, selon Scriptoclap.

Ainsi, les deux dernières superproductions d'Universal, Jurassic World : Renaissance de Gareth Edwards et Dragons de Dean DeBlois et Chris Sanders, avoisinent 1,5 million d'entrées en deux semaines pour le premier et 2,1 millions en cinq semaines pour le second.

Bien sûr, les déconvenues pour ce type de films existent, mais elles semblent moins systématiques et moins colossales, à l'instar de Wicked (850.000 entrées) ou de The Fall Guy (660.000 entrées) récemment, tous deux espérés à un niveau plus haut.

Effet d'entraînement?

Les autres filiales françaises des studios américains pourraient-elles suivre le mouvement? Paramount, qui ne s'illustrait que dans la distribution de films tricolores ou nouait ponctuellement quelques partenariats avec des sociétés françaises, comme TF1 Studio, a elle arrêté d'accompagner ce type d'œuvres en 2019, après Cold Blood Legacy: La mémoire du sang de Frédéric Petitjean.

Mais aucune autre annonce en ce sens n'a pour le moment été faite et les récentes orientations de plusieurs firmes hollywoodiennes n'indiquent guère une réduction de la voilure. Disney sera en effet obligé d'investir d'autant plus dans la production locale suite à sa nouvelle position dans la chronologie des médias (deuxième, à neuf mois, derrière Canal+), tandis que Sony a notamment lancé en 2021 le label "Parasomnia Productions" pour favoriser les films de genre français d'un "budget limité".

Le major Warner Bros. bénéficie quant à lui d'une meilleure moyenne que l'écurie Universal sur ses films hexagonaux de 2024, avec 325.000 entrées pour Leurs enfants après eux des frères Boukherma ou 435.000 entrées pour Heureux Gagnants de Maxime Govare et Romain Choay.

Et à regarder la part de marché des œuvres tricolores en France en 2024, exceptionnellement élevée, à 44,8 % selon le CNC, contre 36,3 % pour les films américains, son plus bas niveau depuis 1988, les espoirs restent permis.

Estelle Aubin