Assassinat de Samuel Paty: sa sœur dénonce le silence de l’État sur "l’absence de protection" du professeur avant sa mort

Mickaëlle Paty, la soeur de Samuel, le 8 décembre 2023 à Paris (illustration). - GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP
À l'approche du douloureux anniversaire de la mort de Samuel Paty, Mickaëlle sa sœur, a livré un long entretien auprès de l'émission Sept à Huit dimanche 13 octobre. Un réalisé notamment à l'aube de la sortie de du livre de Mickaëlle Paty, Le cours de Monsieur Paty (Albin Michel), dans lequel elle retrace les onze jours qui ont mené à l'assassinat du professeur d'histoire-géographie il y a quatre ans.
Lors de cette entrevue, la sœur du professeur tué le 16 octobre 2020 aux abords du collège du Bois d'Aulne à Conflans-Sainte-Honorine, a été questionnée sur son initiative du mois de juillet dernier d'attaquer l'État en justice.
"Je me suis retrouvée à attaquer l'État, à défaut de réponse de l'État. Au départ, c'était une requête en reconnaissance en responsabilité de l'État par rapport à l'attentat qui a visé mon frère, c'est-à-dire montrer l'absence de protection", détaille Mickaëlle Paty.
Pourtant, d'après la sœur de Samuel Paty, l'inexistence d'une quelconque protection de professeur est "pourtant évidente". Dans son livre, Mickaëlle Paty relate notamment que son frère avait alerté, quelques jours précédant le drame, dans un courriel, que "le collège tout entier" et lui-même sont "menacés par des islamistes locaux".
"Il était convaincu que des choses étaient mises en place pour lui, pour sa sécurité, parce qu'on lui a dit. Le référent à la laïcité, le lundi (12 octobre, quatre jours avant l'attentat NDLR) à la réunion, va dire que le collège est sous protection, qu'il y a des individus sous écoute", explique l'infirmière anesthésiste.
"Absence de réponse"
Selon un procès-verbal contenu dans le dossier, Samuel Paty était même venu faire cours avec un marteau dans son sac. "Une vraie arme du désespoir", comme le qualifie Mickaëlle Paty auprès de Sept à Huit.
Ces faits, accablants aux yeux de cette dernière, auraient donc dû suffire à ce que l'État reconnaisse sa part de responsabilité après la requête administrative qu'elle a lancée.
"Ils avaient un délai pour me répondre, et ça avait été officialisé de très longue date qu'on allait me répondre. Mais la date butoir étant arrivée… absence de réponse", regrette-t-elle avec amertume.
Et de pointer du doigt ceux auprès de qui elle attendait une réponse: le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Éducation nationale. Mais d'après Mickaëlle Paty, seul le cinglant mutisme gouvernemental lui est accordé, "personne" ne lui a répondu.
Une passion des débats
Mickaëlle Paty s'est aussi longuement exprimée sur diverses thématiques liées à son aîné de cinq ans, en particulier sur la personnalité de celui-ci lors de leur enfance tout d'abord.
"C'était quelqu'un d'assez introverti, tourné vers les matières littéraires, qui passait énormément de temps à lire", raconte Mickaëlle Paty.
"On a passé toute notre enfance comme chien et chat. On était toujours à débattre, il faut dire que Samuel aimait particulièrement ça et moi, j'aimais bien en découdre avec lui parce qu'il avait toujours plus d'arguments que moi, ce qui me mettait toujours dans une colère noire", rapporte-t-elle.
Une passion des débats qu'il a ensuite transposée lors de ses cours menés au collège, un niveau d'études qu'il "a choisi" de lui-même selon sa sœur.
"Le maintenir en vie par tous les moyens"
Aujourd'hui, Mickaëlle assure vouloir faire vivre le souvenir de celui qu'elle qualifie de "papa poule". Car pour elle, quatre ans désormais après l'assassinat de son frère, il est impossible de tourner entièrement la page.
"Je n'ai pas attaqué le processus de deuil, je ne suis pas sûre de l'attaquer un jour. Il faut que j'arrive à le maintenir en vie par tous les moyens", lâche Mickaëlle.
En attendant la suite de son combat face à l'État, Mickaël va devoir faire face à une autre bataille judiciaire dès le 4 novembre prochain. Jusqu'au 20 décembre, huit personnes seront jugées par la cour d'assises spéciale de Paris pour leur implication dans l'assassinat de Samuel Paty, tué par un terroriste islamiste abattu par la police quelques instants après la mort du professeur de 47 ans.
En décembre 2023, dans un premier volet judiciaire, jusqu'à 6 mois de prison ferme ont été prononcés contre des adolescents impliqués dans la mort du professeur.