INFO BFMTV. Mort de Nahel: ce que révèlent les confrontations entre les témoins et les policiers

Des policiers en train d'inspecter la voiture conduite par Nahel, tué d'un tir de policier mardi. - RMC
Chacun a campé sur ses positions. C’est, en résumé, ce qu’il ressort des confrontations entre les témoins et les deux policiers dans l’affaire du jeune Nahel, tué lors d’un contrôle, le 27 juin 2023 à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Alors que la fin de l’instruction dans cette affaire a été signifiée aux parties, ce vendredi 2 août, comme l’a révélée Le Figaro, deux confrontations ont eu lieu, les 15 et 16 juillet derniers, dans le cabinet du juge d’instruction en charge de ce dossier.
Ces auditions, qui ont été portées à la connaissance de BFMTV, ont permis de confronter les versions des deux gardiens de la paix intervenus lors du contrôle qui s’est soldé par la mort du jeune Nahel et quatre témoins des faits.
Pour le policier, -seul mis en examen pour "meurtre", son collègue ayant été placé sous le statut de témoin assisté-, la mort de Nahel est la conséquence de son refus d’obtempérer. "Je continue de penser que s’il avait obtempéré depuis le début et qu’il s’était stationné sur le bas-côté de la route, rien de tout cela ne serait arrivé", a-t-il assuré au terme d’une confrontation de plus de cinq heures.
"Je suis bien évidemment peiné par sa mort. Je comprends tout à fait que cette intervention a fini par sa mort, ce qui est évidemment triste", a ajouté le policier mis en examen.
La mort de ce jeune garçon avait été suivie par huit nuits d’émeutes urbaines un peu partout en France.
Pas de souvenir des mots "balle dans la tête"
En amont, le magistrat-instructeur avait mis en lumière plusieurs "discordances" dans les déclarations de deux des quatre témoins présents aux côtés du jeune Nahel, âgé de 17 ans au moment de sa mort, à l’issue d’une course-poursuite avec les deux policiers à moto, en poste au sein de la compagnie territoriale de circulation et de sécurité routière (CTCSR) des Hauts-de-Seine.
Notamment sur le comportement de la victime au volant la Mercedes classe A, couleur jaune canari, qui a redémarré après avoir coupé son moteur, malgré les injonctions des deux fonctionnaires, qui lui intimaient l’ordre de stopper son véhicule.
Les mêmes témoins ont également confirmé que les deux policiers avaient porté des coups de crosse avec leurs armes au visage de Nahel, alors qu’aucune trace n’a été relevée par le médecin-légiste.
Trois témoins ont aussi soutenu avoir entendu l’un des policiers menacer la victime de se prendre "une balle dans la tête", avant d’indiquer que son collègue avait dit: "shoote-le".
Alors qu’un rehaussement du son d’une vidéo de la scène diffusée sur les réseaux sociaux a bel et bien permis de distinguer les termes "balle dans la tête", l’un des fonctionnaires a expliqué n’avoir "absolument pas le souvenir d’avoir tenu de tels propos", tandis que le second a assuré ne pas les "avoir tenus".
Le policier confirme s'être "senti en danger"
Autre élément déterminant sur lequel est revenu le juge d’instruction: un expert a clairement établi que les deux policiers n’étaient pas en situation de danger lorsque le jeune Nahel a redémarré son véhicule, car le volant de la Mercedes n’était pas tourné vers eux et son accélération était de faible intensité.
"Oui, c’est ce qu’il a constaté, mais je continue de dire que je me suis senti en danger et je pense que je l’ai été", a argué le policier qui a ouvert le feu. "Je ne pourrais pas jauger l’intensité (de l’accélération, NDLR) mais je me suis bien senti partir en même temps que la voiture accélère."
Pour justifier l’usage de son arme, le même a estimé que "c’était nécessaire pour répondre à la menace". "J’ai appliqué le tir, je n’ai pas eu beaucoup de temps", a-t-il poursuivi.
"Au moment de mon tir, pour moi, mon collègue avait encore les bras à l’intérieur du véhicule, nous étions face à un conducteur qui, quelques secondes avant, a manqué de percuteur deux personnes. Je pense qu’il était de mon devoir d’empêcher qu’un drame arrive. Et donc, c’est pour ça aussi que j’ai ouvert le feu ainsi que pour ma propre protection. (…) Et c’est le seul moyen que j’avais à ma disposition pour stopper le véhicule."
Une zone non-vitale visée?
Ce gardien de la Paix a aussi reconnu qu’il y "avait beaucoup de soleil", le jour des faits, et que "le reflet du pare-brise a très fortement atténué" (sa) vision de l’intérieur du véhicule et n’avoir vu que "des gesticulations". Avant de distinguer la "silhouette", et plus précisément, "le haut du corps" de Nahel, alors que le bas de son corps était masqué par le tableau de bord de la Mercedes.
D’où la question de savoir si ce policier était sûr d’avoir visé une zone non-vitale, après que le juge a rappelé qu’il avait "désigné" avec son arme "plutôt la partie basse du corps de Nahel".
"C’est ce que j’ai essayé de faire au mieux", tente le fonctionnaire. Avant de répondre à l’un des avocats des parties civiles qui s’interroge de savoir si son tir, au regard de ces conditions, ne pouvait pas toucher "uniquement une zone mortelle".
"Non, vous me demandez pourquoi, je vous réponds que tout simplement la partie vitale, c’est la zone du cœur et il y a tout le reste et le bas-ventre qui n’est pas une partie vitale", pointe le policier.
À l’issue de ces confrontations, le juge d’instruction a signifié aux parties, le 2 août, la fin de ses investigations. Sollicité par BFMTV, l’avocat de la mère du jeune Nahel n’a pas donné suite.
Contacté, le conseil du policier mis en examen, Me Laurent-Franck Liénard, a indiqué quant à lui qu’il allait faire des observations à des fins de non-lieu pour son client.