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Paris Île-de-France

Îlots de fraîcheur, peinture… La mairie de Paris dévoile les contours de son plan pour adapter la ville aux fortes chaleurs

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Un socle de mesures visant à rendre la capitale plus "habitable" face au réchauffement climatique, en se basant sur le modèle de villes comme Séville ou Tunis, a été présenté mardi.

Au premier abord, rien ne semble rapprocher Paris de Séville et Tunis, ni sur le plan architectural, ni sur le plan de la météo. C'était sans compter sur le réchauffement climatique. Dans les décennies à venir, la capitale française devrait connaître des températures similaires à celles ressenties aujourd'hui dans ces villes du sud.

À l'horizon 2085, les prévisions du Giec laissent entrevoir plus de 34 jours de canicule par an à Paris -un total similaire à celui observé dans le chef-lieu andalou-, contre 22 en 2022. La Ville lumière prendra donc encore plus souvent des allures de fournaise, avec des pics pouvant atteindre les 50°C.

Dans ce contexte alarmant, la municipalité a présenté mardi son plan "Paris s'adapte", au lendemain de l'adoption de la version initiale d'un nouveau Plan local d'urbanisme bioclimatique. Avec un objectif ambitieux: faire de cette "ville radiateur" une "ville oasis" inspirée de Séville et Tunis.

"Renforcer les points d'eau"

Adjoint à la mairie de Paris en charge de la transition écologique, Dan Lert était l'un des élus les plus attendus lors de ce point presse. Au micro de BFM Paris Île-de-France mardi soir, il est revenu sur les principales mesures annoncées pour infléchir la sensation d'étouffement ressentie dans la capitale.

Pour cela, l'élu juge en premier lieu nécessaire de "renforcer les points d'eau qui sont accessibles sur le territoire parisien". Cet été, 40 nouvelles fontaines brumisantes viendront s'ajouter aux 33 existantes, portant à plus de 800 le nombre de fontaines disséminées à travers les vingt arrondissements parisiens. 60 brumisateurs doivent également être implantés, soit "dix de plus que l'été dernier".

Ces systèmes se veulent "extrêmement économes en eau", a promis Dan Lert face à la presse, avec une consommation équivalente à "un demi verre d'eau par brumisation".

De nouveaux îlots de fraîcheur

La ville de Paris est souvent pointée du doigt pour son manque d'îlots de fraîcheur, estimé à 1200. L'équipe d'Anne Hidalgo entend agir en faisant construire des ombrières "là où on ne peut pas planter des arbres". 24 "espaces refuge" de ce type seront répartis "dans les parcs, les jardins, les équipements municipaux de la ville de Paris".

Cette décision découle d'une expérimentation organisée l'été dernier dans le 12e arrondissement. Celle-ci "a très bien marché", vante Dan Lert. "En dessous d'une ombrière de la ville de Paris, c'est dix degrés de réduction de la température", promet l'élu.

À titre d'exemple, une ombrière doit prochainement voir le jour sur le parvis de la mairie du 14e arrondissement. Une autre fera son apparition devant la gare Rosa-Parks, dans le 19e arrondissement.

Pour offrir la possibilité de se rafraîchir, la mairie mise aussi sur la baignade dans la Seine. Trois lieux surveillés seront délimités à l'horizon 2025. Ils compléteront l'offre estivale de Paris Plages.

Une peinture claire pour réduire la température

La lutte contre le réchauffement de Paris passe aussi par une meilleure adaptation des bâtiments aux températures les plus élevées.

"On va aussi repeindre en blanc un certain nombre de toits d'équipements collectifs qui sont prioritaires pour la ville de Paris, annonce Dan Lert. (...) C'est une question d'albédo: en réfléchissant la lumière, ça réchauffe moins le sol."

Une solution jugée "assez simple et assez rapide à mettre en œuvre", permettant d'obtenir une diminution de la température sous les toits "de trois à six degrés" et ainsi d'accroître "l'habitabilité de la ville".

Écoles, gymnases, bibliothèques... une quarantaine d'équipements ciblés feront l'objet d'un changement de teinte d'ici à 2024-2025, selon les prévisions de la ville. La crèche Louis-Blanc, sise dans le 10e arrondissement, arborera un nouveau visage à la rentrée.

Le recours à des revêtements plus clairs s'applique également aux sols. Les plus de 40 axes réaménagés en rues aux écoles bénéficient de ce changement. "On a notamment la nuit un confort et un mieux-être qui provient de ces nouveaux revêtements", plaide l'adjoint en charge de la transition écologique.

Fin du béton et recours au bas-carbone

Lors de sa prise de parole, Jacques Baudrier, élu municipal en charge de la construction publique, du suivi des chantiers et de la transition écologique du bâti, a mis l'accent sur la nécessité d'adapter les logements parisiens aux périodes de sécheresse.

Si l'on en croit une étude réalisée par The Lancet Planet Earth, la capitale française est la ville européenne où le risque de mourir de chaud est le plus élevé. Les personnes âgées sont en première ligne, qui plus est lorsqu'elles vivent dans la précarité et dans des habitations mal isolées.

Pour inverser la donne, Jacques Baudrier milite pour la fin du béton et le recours au bas-carbone. Paille, laine de bois, ouate de cellulose: "les matériaux bio-sourcés sont bénéfiques pour les habitants des derniers étages", fait-il remarquer.

Dans le même temps, la ville prévoit de multiplier le nombre de cours oasis. 100 existent déjà et 29 doivent être bâties cet été. La ville en espère 200 d'ici à 2026. "Elles sont beaucoup plus végétalisées qu'au départ", clame Jacques Baudrier.

Végétaliser davantage

Dernier aspect du plan, et non des moindres: poursuivre la végétalisation de la capitale. En cas d'intense sécheresse cet été, l'arrosage des pelouses pourra être suspendu si la situation le requiert. Mais l'alimentation en eau "des jeunes arbres" sera garantie "pour maintenir leur pérennité", a indiqué l'adjoint aux espaces verts, Christophe Najdovski.

Une mesure importante, sachant que la ville fait état d'un "effort de plantation que l'on n'a pas connu depuis Haussmann", avec 800 arbres installés dans les rues entre novembre 2022 et avril 2023.

Déjà expérimentée les étés précédents en période de canicule, l'ouverture d'une vingtaine de parcs (Buttes-Chaumont, Montsouris, André-Citroën...) toute la nuit pourra de nouveau être activée, a-t-il ajouté.

À plus long terme, Christophe Najdovski prévoit de débitumer quelque 100 hectares, soit quatre fois la superficie du parc des Buttes-Chaumont. De quoi générer de la place pour de nouveaux espaces verts. L'élu espère à terme l'ouverture ou la création de 300 hectares supplémentaires, dont 30 à l'horizon 2026.

L'ensemble de ces mesures sont tirées des recommandations figurant dans le rapport de la mission et d'évaluation "Paris à 50°C", rendu public à la mi-avril.

À l'échelle nationale aussi, la multiplication des vagues de chaleur a incité le gouvernement à prendre une série de décisions. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, en dévoilera les contours jeudi matin à l'Hôtel de Roquelaure.

Nicolas Dumas avec Florian Bouhot