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"Depuis les faits, tout s'écroule": la balle d’un policier termine dans un bus RATP, le chauffeur raconte son traumatisme

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Le 21 septembre dernier, la balle tirée par un policier avait atterri dans la vitre d'un bus de la RATP. Depuis, Mamadou K, le conducteur, vit dans le stress permanent et témoigne de son quotidien sur BFM Paris Ile-de-France.

"J'ai l'impression que le monde s'est effondré autour de moi". Il y a quatre mois, Mamadou K, conducteur à la RATP depuis avril 2022, se retrouve au milieu d'une course poursuite entre un équipage de la BAC et un chauffard dans les rues de Saint-Denis. Alors que l'individu fonce sur les policiers, l'un d'entre eux tire à deux reprises et une balle vient se loger dans le bus du conducteur.

Depuis cet incident, le chauffeur qui est toujours en arrêt de travail, vit dans le stress et la peur.

"Depuis les faits, tout s'écroule. Sur le moment je n'ai pas compris mais depuis c'est compliqué. Je dors mal la nuit, je dois prendre des médicaments pour ne pas trop penser à ça", explique Mamadou K. au micro de BFM Paris Ile-de-France.

Des tirs après un refus d'obtempérer

Le mercredi 21 septembre dernier, Mamadou est au volant de son bus dans les rues de Saint-Denis, quand une course poursuite entre des policiers et un chauffard s'engage après un refus d'obtempérer.

"Alors que je conduisais le bus de la ligne n°173 mon véhicule a été la cible d'un projectile suite à l'usage d'une arme d'un policier. Je me trouvais dans le flot de la circulation sur la rue du Landy, limitrophe à Saint-Ouen et Saint-Denis", se remémore l'homme.

Au moment d'essayer d'arrêter le véhicule, les policiers arrêtent leur véhicule en travers de la route, face au bus de Mamadou.

"Ils n'avaient pas de gyrophare ou du moins je n'en ai pas le souvenir. (...) les policiers au nombre de trois, sont descendus de la voiture , deux sont partis sur la droite du bus. (...) le troisième sur mon côté gauche", explique-t-il. C'est à ce moment-là que la situation prend un tout autre tournant.

"J'ai regardé dans mon rétroviseur et j'ai vu un véhicule arriver à pleine vitesse dans le même sens de circulation que mon bus. Vu que moi j'avais un peu avancé dans le virage, juste avant le barrage de police, lorsque j'ai vu arriver cette voiture, elle a d'abord essayé de passer sur mon côté droit où se trouvaient deux policiers", souffle Mamadou K.

Pour barrer la route au véhicule qui ne veut pas s'arrêter, les policiers sortent la herse.

"La voiture a mis un coup de volant et a contourné l'arrière de mon bus en se dirigeant sur le côté gauche, là où se trouvait un seul policier. (...) C'est à ce moment-là que j'ai entendu deux tirs. Pour moi c'est le troisième policier qui a tiré", expose le chauffeur.

Les impacts de balles sont relevés sur le capot du véhicule incriminé ainsi que sur la vitre latérale avant du bus. Aucun blessé n'est alors à déplorer côté passagers et côté policiers.

"Je stresse sans cesse"

Après les faits, le conducteur décide de reprendre son chemin pour arrêter son bus au prochain arrêt. À ce moment précis, c'est la panique dans le bus.

"Certains passagers sont partis en courant lorsque j'ai ouvert la porte, d'autres ont refusé de quitter le bus par peur de ce qu'il y avait dehors. Certains sont venus me voir pour me signaler la vitre brisée à l'arrière du bus, la vitre latérale située à la moitié du bus, quasiment face à la porte opposée", raconte le chauffeur.

Alors, il décide de prendre les coordonnées de certains témoins par "peur que l'on craigne que ce soit moi qui l'aie cassé".

Mais après l'incident, plus le temps passe, plus les images se bousculent dans la tête du chauffeur.

"Par chance personne n'a été blessé. Cependant me concernant et depuis les faits, je suis en arrêt de travail. J'ai été envoyé à l'hôpital le jour même car c'est le protocole. J'ai été arrêté initialement 10 jours pour des troubles psychologiques par rapport aux faits. J'ai ensuite été reprolongé et je suis toujours en arrêt aujourd'hui", explique Mamadou.

"Lui il a tiré il est rentré sans soucis chez lui. Moi, je stress sans cesse. Je suis devenu très colérique. Je pars au quart de tour pour rien. Ma vie de couple est compliquée", déplore Mamadou K.

Alors, ce vendredi 23 décembre, il décide de porter plainte contre le policier auteur des tirs auprès de l'IGPN pour mise en danger de la vie d'autrui.

"C'est à la RATP" de porter plainte

S'il a porté plainte à l'IGPN, le chauffeur en veut à son employeur, la RATP, à qui il reproche de ne pas l'avoir soutenu et accompagné dans ses démarches médicales et judiciaires. Notamment, de ne pas avoir porté plainte contre le policier. Une situation dénoncée par les représentants syndicaux.

"Ce n'est pas à Mamadou de déposer plainte, mais c'est à la RATP. Une balle dans un bus, c'est quelque chose de très grave", regrette Ahmed Beraral, syndicaliste CGT RATP. "Sur tout incident, on accompagne le chauffeur pour aller déposer plainte. Pour lui dire on est solidaire, on l'accompagne. Pour Mamadou, il n'y a rien eu", affirme-t-il.

De son côté, la RATP se défend et précise auprès de BFM Paris Ile-de-France que le "conducteur a été pris en charge par son encadrement et accompagné à l’hôpital" et qu'une "assistance psychologique lui a également été proposée". Elle indique aussi que le jour de l'événement, "l’agent a répondu à son cadre d’astreinte qu’il ne souhaitait pas porter plainte".

La société de transports précise aussi que lorsqu'elle a été informée de la volonté de l'agent à porter plainte, un "accompagnement managérial lui a été proposé" et que son manager "l'a accompagné dans son dépôt de plainte auprès de l’IGPN le 2 décembre, dépôt qui n’a pas se faire ce jour-là".

Le conducteur se serait "satisfait de cet accompagnement" et "n'a pas souhaité nous solliciter pour son futur rendez-vous, alors que nous lui avons indiqué que nous restions à sa disposition", ajoute la RATP.
Constance Bostoen et Martin Regley