Attaque au couteau à la gare de Lyon: ce que le suspect a dit à la juge d'instruction

Des experts de la police scientifique sur les lieux d'une attaque à la Gare de Lyon, le 3 février 2024 à Paris - Thomas SAMSON © 2019 AFP
Il est environ 7h30, ce samedi 3 février. La gare de Lyon est bondée. Beaucoup attendent leur train en direction des montagnes pour un séjour au ski. C'est le cas de Christophe. Il se trouve au sous-sol, dans le hall 3, lorsqu'un homme attaque soudainement des passants à l'aide d'un couteau et d'un marteau.
Le suspect parvient à blesser trois personnes. Deux le sont légèrement. Christophe, lui, bien plus gravement. Le suspect finit par être arrêté et, après une prise en charge par l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, mis en examen pour "tentatives d'assassinats aggravées".
Aujourd'hui en détention provisoire, l'homme de 32 ans a été reçu par la juge d'instruction en charge du dossier le 7 mai. BFMTV a pu consulter ses déclarations.
• Son enfance au Mali et sa proximité avec son grand-père
Le suspect est né le 1er janvier 1992 au Mali. Il y vit ses premières années avec ses parents, son frère et trois sœurs. Dès un jeune âge, il souffre de problèmes psychiatriques, sans que des diagnostics soient posés.
En 2003, il est isolé de sa famille. Selon ses dires, il aurait en tout vécu dans trois villes différentes au Mali et aurait passé le bac lorsqu’il vivait chez sa tante, avant d'enchaîner sur deux années de droit privée.
Pendant ses années au Mali, le jeune homme se rapproche de son grand-père. Ce dernier lui conte son enrôlement de force par la France et les violences subies par la suite lors de la Seconde Guerre mondiale. À son retour au Mali, son grand-père aurait vécu comme un SDF avant de mourir.
Émerge alors en lui la volonté de se venger des souffrances de son aïeul sur le territoire français, même s'il ne peut décrire décrire précisément à la juge d'instruction les souffrances endurées par son aïeul. Il quitte le Mali en 2012.
• Trois internements pour soigner des problèmes psychiatriques
D'août 2016 à janvier 2024, l'assaillant présumé vit en Italie. Sur place, il économise de l'argent.
L'année suivante, le ressortissant malien est interné à trois reprises dans ce même pays. Plusieurs diagnostics sont posés: bouffées délirantes avec syphilis, état maniaque atypique avec syphilis traitée tardivement et trouble dissociatif.
On lui prescrit alors des médicaments. Le suspect de l'attaque de la gare de Lyon assure avoir toujours suivi son traitement, sauf le jour du passage à l'acte, celui-ci étant survenu tôt, alors qu'il n'avait pas pris son petit-déjeuner.
Confirmant les dires des médecins qui l'ont ausculté après son arrestation, il affirme avoir été "lucide" au moment où il a enclenché son attaque. Il n'était pas en état de décompensation.
• Les raisons d'un passage à l'acte prémédité
En 2018, le suspect tente en vain de se rendre en France. Le 1er février dernier, muni d'un titre de séjour émis en 2019, il parvient à ses fins, toujours animé par un désir de vengeance. Si bien que la veille des faits, préméditant son geste, il se procure un couteau, à défaut d'une machette.
Autre motif pour expliquer son passage à l'acte: la politique française au Mali et son incapacité, selon lui, à devenir médiateur entre les terroristes et le gouvernement. Les Maliens vivant en France ne sont pas en sécurité, estime-t-il.
L'homme rend pour responsable l’ensemble des Français, raison pour laquelle il a décidé de s’en prendre à des citoyens innocents, Emmanuel Macron étant selon lui trop protégé. Dans l’idéal, il aurait tout de même voulu être reçu par le président de la République pour lui expliquer que le peuple malien souffre de la politique française dans le pays.
Conduire une attaque, assure-t-il, était le seul moyen pour que son message arrive au gouvernement français.
En revanche, il déclare avoir ciblé uniquement les "vrais français" dans son attaque, à savoir les personnes ayant la nationalité française et étant d’origine française. Il précise qu’il n’aurait pas attaqué une personne de couleur noire puisque, pour lui, même si cette personne a la nationalité française, elle reste un "naturalisé".
Si l'assaillant présumé est de confession musulmane et pratiquant, il soutient ne pas être passé à l'acte pour un motif religieux.
• Aujourd'hui, le suspect dit avoir des regrets
Le jour de l'agression, son plan est clair: enflammer son sac à dos pour créer un mouvement panique pour lui permettre de poignarder les passants plus facilement.
Il court alors après une jeune fille. Mais l’entendre crier lui fait pitié et il s’arrête, clame-t-il. Il saute donc sur l’homme derrière lui et le blesse.
Peu après son arrestation, il dit aux enquêteurs regretter de ne pas être parvenu à tuer quelqu'un. Il ajoute être le seul membre de sa famille à avoir une telle animosité envers la France, mais est convaincu que ses proches seraient fiers d'apprendre ce qu'il a fait.
Son discours est radicalement différent aujourd'hui: il dit regretter son geste. Le mis en examen indique que cette vengeance est sortie de lui et qu’il n’a plus du tout de pensées similaires.