Sommet du Vatican: pour le fondateur de La Parole libérée, "le pape est devenu le cardinal Barbarin"

François Devaux, l'un des fondateurs de l'association La Parole libérée - Vincenzo PINTO / AFP
La déconvenue est sans doute à la hauteur de l'attente. Les associations de victimes d'actes pédophiles au sein de l'Eglise catholique ont dit leur désillusion après la prise de parole dimanche du pape à l'issue d'un sommet, ouvert jeudi, sur la protection des mineurs. Alors que les dénonciations de viols et d'agressions sexuelles pointant l'institution dont il a la charge se succèdent, ils étaient nombreux à réclamer du Saint-Siège des actions immédiates.
Le pape François a tout d'abord dépeint un phénomène débordant son Eglise, avant d'ajouter: "Nous devons être clairs: l'universalité de ce fléau, alors que se confirme son ampleur dans nos sociétés, n'atténue pas sa monstruosité à l'intérieur de l'Église." Lorsque le clergé se rend coupable de tels faits, il devient "l'instrument de Satan", les actes eux-mêmes rappelant au souverain pontife les "sacrifices des rites païens". Annonçant quelques pistes pour orienter le travail du Vatican, il a évoqué la nécessité "d'enrayer ces abus très graves par des mesures disciplinaires et des procédures civiles et canoniques".
Cette lutte doit passer par le fait d'accorder "la priorité" aux victimes, "un accompagnement des victimes", une attention accrue au moment de la sélection à l'entrée du séminaire. Il a aussi désiré la création d'équipes mobiles d'experts pouvant aider certaines conférences épiscopales et diocèses "sans moyens". Enfin, le Vatican a annoncé son intention de renoncer au vide législatif régnant en son sein sur ce point.
Point de blocage
Rien de bien tangible pour les associations, tandis que le pape avait exigé du "concret" en lever de rideau. Parmi les revendications associatives figurent en bonne place les défroquages massifs des prélats mêlés aux différents scandales, sur le mode de la sanction récemment confirmée à l'encontre de l'ex-cardinal américain Theodore McCarrick, ainsi que la fin du "secret pontifical". Joint par téléphone par BFMTV.com, François Devaux, le président et l'un des fondateurs de l'association La Parole libérée, créée pour aider les victimes d'actes pédophiles dans la région lyonnaise entre 1970 et 1991, pose cependant que le terme de "déception" est mal choisi:
"Les gens nous demandent si on est déçu mais on n'est pas déçu. On est même satisfait. Il fallait provoquer ce moment de vérité pour y voir clair sur leur positionnement. On comprend maintenant à qui on a affaire".
François Devaux désigne l'endroit où se situe selon lui le point de blocage: le pape lui-même. "A l'origine, on croyait que le problème venait des prêtres. En fait, il vient d'en haut", dit-il. Avant de s'en prendre aux dernières déclarations du souverain pontife: "Je pense qu'il rassure ses brebis en disant: 'Je ne vous lâcherai pas quoiqu'il arrive'. Tous les prêtres se plaignent d'être la risée, d'incarner tant de malveillance. Il a voulu répondre à cette nécessité sans prendre de décision." François Devaux poursuit, en référence au nom du primat des Gaules accusé d'avoir couvert les actes du père Bernard Preynat: "Le pape devient finalement le cardinal Barbarin."
L'association regarde vers le haut
Une accusation lourde. Le problème ne dépasse-t-il pas pourtant les épaules d'un simple individu? "C'est ce qu'on nous fait croire", maintient François Devaux. "On nous fait croire que l'Eglise, c'est compliqué mais quand il faut dézinguer McCarrick par exemple, il suffit de signer en bas de la page. Quand on rentre dans ce fonctionnement, on s'aperçoit que les choses simples et que ce sont eux qui les compliquent", achève-t-il, regardant vers les personnages les plus éminents de l'Eglise.
A l'évidence, celle-ci va devoir se tourner résolument vers les solutions pratiques pour faire face à la crise.