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Turquie

Législatives en Turquie: la revanche du "sultan" Erdogan

Des supporters brandissent un portrait de Recep Tayyip Erdogan après la victoire de l'AKP aux législatives, le 1er novembre, à Istanbul.

Des supporters brandissent un portrait de Recep Tayyip Erdogan après la victoire de l'AKP aux législatives, le 1er novembre, à Istanbul. - Ozan Kose - AFP

Avec sa victoire écrasante aux législatives de dimanche, Recep Tayyip Erdogan se retrouve de nouveau seul aux commandes de la Turquie, confirmant son statut d'homme fort du pays. Un triomphe qui ravive les craintes sur ses dérives autoritaires.

Aussi adulé que détesté, il règne depuis treize ans sans partage sur la Turquie. Et vient d'asseoir un peu plus son pouvoir. Malgré les difficultés, le président turc Recep Tayyip Erdogan a confirmé, lors des élections législatives de dimanche qui ont vu la victoire écrasante de son parti, l'AKP, qu'il restait le seul maître du pays. Symboliquement, il a célébré son succès lundi matin par une prière à la mosquée d'Eyup, à Istanbul, comme le faisaient les nouveaux sultans de l'Empire ottoman.

Un désir de stabilité du peuple turc

Son succès a été unanimement accueilli comme l'expression du désir de stabilité des électeurs turcs, dans un pays confronté depuis la fin de l'été à la reprise du conflit kurde et à la menace jihadiste, après l'attentat-suicide qui a fait 102 morts devant la gare centrale d'Ankara il y a trois semaines.

Pendant toute la campagne, le président et son Premier ministre Ahmet Davutoglu se sont posés en seuls garants de la sécurité et de l'unité du pays, agitant le spectre du "chaos" en cas d'absence de majorité absolue d'un seul parti.

Contre tous les pronostics, le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) s'est largement imposé en raflant 49,4% des suffrages et une majorité absolue de 316 des 550 sièges du Parlement, selon les résultats définitifs rendus publics dans la nuit par les chaînes d'information locales. De quoi permettre à Recep Tayyip Erdogan de former un gouvernement entièrement à sa main.

Des partisans de Recep Tayyip Erdogan, le 2 novembre, à Ankara, après la victoire de l'AKP.
Des partisans de Recep Tayyip Erdogan, le 2 novembre, à Ankara, après la victoire de l'AKP. © Adem Alta - AFP

Revanche éclatante

Le rêve d'Erdogan d'instaurer une "superprésidence" s'était brisé le 7 juin dernier au soir des législatives, lorsque son parti a perdu la majorité absolue qu'il détenait au Parlement. Certains avaient alors prédit le début de sa fin.

Malgré cette claque électorale, celui que ses rivaux brocardent parfois comme un nouveau "sultan" est reparti au combat. Il a d'abord laissé s'enliser les discussions pour la formation d'un cabinet de coalition. Puis, constatant leur échec, Recep Tayyip Erdogan a rappelé les Turcs aux urnes pour un nouveau scrutin, le quatrième en deux ans, persuadé de pouvoir s'y "refaire". Ainsi, dimanche, le chef de l'Etat a pris une éclatante revanche.

Une figure adulée...

L'AKP a en effet repris haut la main sa majorité absolue. A 61 ans, Recep Tayyip Erdogan, qui fut maire d'Istanbul, reste le chef politique le plus charismatique de son pays depuis Mustafa Kemal Atatürk, l'emblématique père de la République laïque.

Arrivé à la tête du gouvernement en 2003 sur les ruines d'une grave crise financière, Erdogan est loué par ses partisans comme l'homme du miracle économique et des réformes qui ont libéré la majorité religieuse et conservatrice du pays du joug de l'élite laïque et des interventions politiques de l'armée.

... et critiquée

Mais depuis deux ans, il est aussi devenu la figure la plus critiquée de Turquie, dénoncé par l'opposition pour sa dérive autocratique et islamiste. En juin 2013, plus de trois millions et demi de Turcs ont exigé sa démission dans la rue.

Luxueux, gigantesque et extravagant, le palais à 500 millions d'euros dans lequel il a emménagé il y a un an est devenu le symbole de sa "folie des grandeurs", alors même qu'il est éclaboussé par un scandale de corruption .

Recep Tayyip Erdogan dans son nouveau palais, à Ankara, en octobre 2014.
Recep Tayyip Erdogan dans son nouveau palais, à Ankara, en octobre 2014. © Adem Altan - AFP

Dimanche, l'opposition s'est inquiétée de ce retour en force. "C'est la victoire de la peur", a titré lundi le quotidien Cumhuriyet, fer de lance de la critique du régime turc.

Publiquement, Recep Tayyip Erdogan s'amuse de ceux qui le traitent de "dictateur". Mais il poursuit systématiquement devant la justice pour "insulte" tous ceux qui, rivaux, journalistes ou simples particuliers, le contestent. Le "grand maître", comme l'appellent ses fidèles avec déférence, a plusieurs fois avoué publiquement sa volonté de garder les rênes du pays jusqu'en 2023, année du très symbolique centenaire de la République.

A.S. avec AFP