Syrie: un sapin de Noël incendié, les islamistes au pouvoir promettent des sanctions

Des personnes visitant un marché de Noël à Damas le 21 décembre 2024. (photo d'illustration) - Sameer Al-DOUMY / AFP
Plusieurs manifestations ont éclaté dans des quartiers chrétiens de Damas ce mardi 24 décembre pour protester contre l'incendie d'un sapin de Noël près de Hama, dans le centre de la Syrie, a indiqué un journaliste de l'AFP.
"On réclame les droits des chrétiens", scandaient les manifestants en marchant dans les rues de Damas, vers le siège du patriarcat orthodoxe, à Bab Charqi.
Affluant spontanément de différents quartiers, ils se sont rassemblés pour exprimer leur mécontentement et leurs craintes plus de deux semaines après la prise du pouvoir par une coalition armée menée par les islamistes ayant destitué Bachar Al-Assad. Le président renversé se posait en protecteur des minorités dans un pays à majorité sunnite.
"Alors on n'a plus notre place ici"
"On descend car il y a beaucoup de sectarisme, d'injustice contre les chrétiens, sous couvert de 'cas isolés'", a déclaré Georges. "Si on ne nous laisse pas vivre notre foi chrétienne dans notre pays, comme c'était le cas, alors on n'a plus notre place ici", a-t-il ajouté. Certains d'entre eux portaient des croix en bois, d'autres hissaient le drapeau syrien de l'indépendance à trois étoiles, adopté par les nouvelles autorités.
Ces manifestations ont éclaté après la diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo où des combattants cagoulés incendiaient le sapin de Noël de la ville à majorité chrétienne orthodoxe de Souqaylabiya, près de Hama.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les combattants étaient des étrangers issus du groupe jihadiste Ansar Al-tawhid.
Le défi de HTS dans un pays morcelé
Dans une autre vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, on voit un responsable religieux du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Cham (HTS) au pouvoir s'adresser aux habitants de la localité, affirmant que les auteurs de cet acte n'étaient "pas syriens" et leur promettant qu'ils seraient punis.
"L'arbre sera rétabli et éclairé d'ici demain matin", a-t-il assuré, aux côtés de prêtres et sous l'acclamation des habitants qui scandaient des slogans chrétiens.
Unifier le pays morcelé par des années de guerre sanglante et où sont présentes de nombreuses factions aux allégeances divergentes et de nombreuses minorités religieuses reste un défi pour HTS.
Cette ex-branche d'Al-Qaïda, qui affirme avoir renoncé au jihadisme et a adopté un discours plus modéré, se sait scrutée sur la façon dont elle va traiter les minorités chrétiennes, alaouites et kurdes notamment.
HTS se trouve néanmoins confronté à la présence de nombreux combattants étrangers, pour la plupart originaires d'Asie centrale, qui avaient rejoint ses rangs ou ceux d'autres factions islamistes et jihadistes durant le conflit après 2011 et continuent de poser un défi majeur pour l'organisation.

Selon AP, les chrétiens syriens représentaient près de 10% de la population du pays avant le début de la guerre civile.
Plusieurs incidents rapportés
Comme le rapporte Reuters, avant ces événements, des responsables chrétiens avaient conseillé aux fidèles de réduire les célébrations de Noël cette année, malgré les déclarations de HTS assurant que les minorités sont libres de pratiquer leur religion.
En effet, HTS a déclaré aux responsables occidentaux qu'il ne chercherait pas à se venger de l'ancien régime de Bachar Al-Assad et qu'il ne réprimerait pas non plus d'autres minorités religieuses.

Selon plusieurs médias dont L'Orient-Le Jour, plusieurs lieux de culte chrétiens ont été vandalisés en Syrie depuis la chute du régime. Le 18 décembre, des hommes armés non identifiés ont ouvert le feu sur une église grecque orthodoxe dans la ville de Hama, pénétrant dans l'enceinte et tentant de détruire une croix, et brisant des pierres tombales dans un cimetière, a déclaré l'église dans un communiqué cité par Reuters. L'Eglise orthodoxe grecque a indiqué que la police avait rapidement annoncé l'arrestation des vandales.
Des journalistes de Reuters ont également vu plusieurs véhicules traverser Bab Touma, un quartier majoritairement chrétien de Damas, diffusant ostensiblement des chansons djihadistes sur leurs haut-parleurs.
HTS assure que les minorités seront libres
Interrogé par Vatican News, le prêtre franciscain d'une paroisse d'Alep a noté que les rebelles avaient, au cours des dernières années, fait preuve d'une tolérance croissante à l'égard des chrétiens, notamment en restituant les biens confisqués.
Vatican News s'est également entretenu avec un vicaire apostolique de la même ville, qui a déclaré avoir rencontré Al-Jolani, le chef de file de HTS, qui lui a assuré "que les chrétiens et leurs biens ne seront pas touchés, et que (les militants) répondront à toutes leurs demandes légitimes".

Un récit qui fait écho à celui raconté ce mardi dans les colonnes de Libération, où l'archevêque arménien de Damas a expliqué que "des gens de (HTS) sont venus nous voir dès le 10 décembre, quarante-huit heures après la chute du régime, pour nous rassurer et nous encourager à installer les décorations et les célébrations de Noël comme d’habitude".
Le religieux craint toutefois que cela ne serve qu'à "donner une bonne image aux médias internationaux", comme cela a également pu être ressenti sous le règne de Bachar Al-Assad.
Toutefois, selon Libération ou comme en témoignent des photos diffusées par l'AFP, de nombreux chrétiens de Syrie ont décoré les maisons et les commerces. Dans des villes comme Damas ou Homs, des sapins de Noël ont été issés dans les rues.