Syrie: derrière la com’, la justesse des faits

Bachar al-Assad, à la tête de la Syrie, fait face à une guerre civile sanglante. - -
On n’en voudra pas à nos gouvernants de faire de la communication, de la "com’", autrefois appelée propagande. Le ministre d’un pays ne va pas glorifier ce que fait le ministre d’un pays hostile, ni se critiquer lui-même.
Sur le dossier syrien, ce que disent les trois gouvernants occidentaux, américain, britannique et français, le P3, est préalablement traité, lissé, harmonisé. Le P3 le martèle: Bachar al-Assad niait encore il y huit jours avoir des armes chimiques, et maintenant il les remet à des inspecteurs internationaux pour éviter d’être bombardé. John Kerry et Laurent Fabius en ont fait une mantra.
La fine rhétorique de Bachar al-Assad
Alors voyons: Bachar al-Assad a-t-il nié avoir des armes chimiques? Voici ce qu’il répond dans Le Figaro daté du 3 septembre, à la question suivante: "-Est-il possible que certains responsables de votre armée aient pris cette décision sans votre aval?" "-Nous n’avons jamais dit posséder des armes chimiques. Votre question insinue des choses que je n’ai pas dites, et que nous n’avons ni confirmées ni niées en tant qu’État. Mais normalement, dans les pays qui possèdent une telle arme, la décision est centrale."
En pure logique, Bachar Al-assad n’a pas purement dit "Non, je vous assure, je n’en ai aucune." Même chose dans l’interview avec Charlie Rose de Public Broadasting PBS et CBS, un peu avant sa diffusion le 10 septembre: "-En disant que vous avez un arsenal chimique ? Cela vous le niez pas." "-Non, nous ne –nous ne disons pas oui, nous ne disons pas non. Vous suggérez par votre question que j’ai des armes chimiques. Mais tant que c’est une question classée, elle ne doit être discutée avec…" Rhétoriquement, Bachar Al-assad n’a jamais prétendu qu’il n’en avait pas.
Un rapport encore incomplet
Ensuite, concernant le rapport de l’ONU sur l'usage d'armes chimiques en Syrie: il s’agit d’un rapport intérimaire. Le rapport complet a été demandé par Ban Ki-moon et sous sa seule autorité, en mars. L'intermédiaire a été demandé expressément par Ban après l’attaque terrible du 21 août 2013. L’équipe d’enquêteurs était arrivée le 18 août, juste avant l’attaque, avec l'accord gouvernemental syrien. Elle était venue enquêter notamment sur une attaque survenue en mars vers Alep, à Khan al-Assal. Le régime était enthousiaste à l’idée de cette visite, car les rebelles ont très bien pu utiliser des éléments chimiques là-bas, et le gouvernement se rachèterait une vertu en amenant l'ONU à le dire.
Par conséquent, le rapport sur le 21 août, présenté le 16 septembre, ne porte que sur les attaques du 21 août. L’affaire de Khan al-Assal se poursuit, et Ban Ki-moon vient de dire que les enquêteurs retourneraient en Syrie pour s’y consacrer! Il faut donc comprendre qu’éventuellement, les trouvailles des enquêteurs à Khan al-Assal accableront des éléments de la rébellion. On s’acheminerait vers un rapport qui accable les deux côtés. Cela fera bouger les lignes diplomatiques dans plusieurs sens.
"Les deux camps se servent de chimique"
En définitive, la communication gouvernementale a bien joué côté Paris et Washington: le rapport des enquêteurs chimiques de l’ONU ne dit pas précisément qui a tiré, mais donne l’idée que les tirs venaient de zones gouvernementales. Le phrasé des enquêteurs est technique, difficile de les comprendre sans faire de la cartographie.
Pour ne pas vous laisser dans l’ombre au sujet de ma pensée: les deux camps se servent de chimique, car nous sommes dans une guerre de terreur réciproque. Le P3 doit maintenir un fort contraste entre les bons et les mauvais, sinon comment agir? Et donc voilà pourquoi les dires de Bachar sont exagérés, et que l’origine des tirs chimiques est uniquement à charge.