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Syrie

La crise syrienne se dénoue à Moscou et Téhéran

Laurent Fabius en commission des affaires étrangères à l'Assemblé nationale.

Laurent Fabius en commission des affaires étrangères à l'Assemblé nationale. - -

Laurent Fabius est un idéaliste mais face à la proposition russe sur les armes chimiques syriennes, il peut se montrer réaliste.

Le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, est un idéaliste. Le régime à Damas est mauvais, et son chef de file, Bachar al-Assad, abject puisqu'il tue son propre peuple. Cette attitude se tient sur le plan formelle, mais pour lui insuffler quelque effet, il faut lui injecter du réalisme.

La diplomatie russe est réaliste voire cynique. Elle propose de mettre l'arsenal chimique syrien sous contrôle international. "Pourquoi pas" répond la France. Surtout, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov, semblerait être d'accord pour placer les armes chimiques sous contrôle "avant de les détruire".

Tout ceci a été expliqué minutieusement par le ministre français devant la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. L'idéaliste accepte le réalisme: non pas que les armes seront détruites en un claquement de doigts, mais plutôt que Lavrov – "ce grand professionnel" – cherche à trouver une issue.

Idéaliste ET réaliste

Cette issue plaît à Ban ki-moon. Et l’essentiel est acté: que le régime (ou l’entité félonne, car Lavrov et Poutine n’admettent pas que ce soit le régime) cesse d’utiliser l'arme chimique, et surtout la détruise. On préserve ainsi le principe de dissuasion d’autres pays d’utiliser l’arme chimique.

La Russie n’aurait pas grand chose à perdre, puisqu’avec Assad elle a un allié (un État-vassal devrait-on dire), et que même si Assad tombait, la France ne chercherait nullement à ôter à la Russie sa base de Tartous. "Chaque puissance a d’habitude une base pour ses écoutes, nous sommes d’accord."

Enfin, Laurent Fabius veut dépasser le choix binaire entre Assad ou Al-Qaïda. "L’Armée syrienne libre s’oppose, les armes à la main, contre al-Nosra [filiale d’al-Qaïda]", et le ministre voudrait confusément sauver les piliers de l’État syrien pour les mettre à la disposition d’un gouvernement de transition sans la personne de Bachar al-Assad. Ce serait la forme finale de la solution politique. Ce Français reste réaliste avec les Russes, mais idéaliste avec les Syriens.

Vu de Téhéran

La diplomatie iranienne, quant à elle, suit avec satisfaction l’évolution actuelle. L’arrivée d’al-Qaïda au pouvoir en Syrie n’est pas une idée réjouissante pour le régime de Téhéran, et le non-soutien de l’Occident envers Assad laisse cette diplomatie perplexe.

La France n’aide pas le régime laïc d’Assad? Quel sens a tout cela? C’est incompréhensible. Les frappes militaires occidentales retarderaient la solution politique tant espérée.

En vérité, la diplomatie iranienne nous dit que c’est elle qui, en coulisses, facilite le dénouement actuel: elle veut que les éléments modérés syriens de tous types se réunissent, ce qui exclut délibérément al-Nosra.

Pour y arriver, les diplomates iraniens à Damas – plus perspicaces que les gouvernants syriens? – ont persuadé Assad de laisser les inspecteurs de l’ONU aller à Ghouta (banlieue bombardée de Damas) pour voir qui, au juste, a tiré les charges chimiques. Il est acquis que les vecteurs qui ont délivré les charges chimiques ne sont pas ceux des forces armées syriennes.

Implicitement, cette diplomatie veut s’insérer dans le jeu, tout en montrant que les Occidentaux peuvent se tromper. Un jour éventuellement tentera-t-on de dire que les Occidentaux se trompent complètement sur le programme nucléaire iranien. Barack Obama pense toujours à ce programme, il vient de le redire à la nation, mais puisqu’il a repoussé les frappes en faveur d’une issue négociée à la crise chimique, il vient de ramener la diplomatie iranienne au centre du jeu russe. Partant du dernier jeu efficace qui vaut la peine d’être joué, à l’exception des frappes bien sûr.

Harold Hyman