Fin de la guerre, réforme de l'Autorité palestinienne... Après la reconnaissance française de l'État de Palestine, un chemin semé d'embûches

Un sommet historique, et après? La France a reconnu, comme plusieurs autres pays occidentaux, "l'État de Palestine" ce lundi 22 septembre aux Nations unies. Un acte posé "pour la paix entre le peuple israélien et le peuple palestinien", a proclamé Emmanuel Macron à la tribune de l'ONU, à New York.
"Le temps est venu d'arrêter la guerre, les bombardements à Gaza, les massacres et les populations en fuite. (...) Le temps de la paix est venu, car nous sommes à quelques instants de ne plus pouvoir la saisir", a-t-il martelé.
Un État palestinien "privé des attributs de la souveraineté"
Le président français, à l'initiative de ce sommet coprésidé avec l'Arabie saoudite, tente de renforcer la pression sur Israël pour mettre un terme à la guerre à Gaza dans le cadre d'un mouvement historique mais à la portée encore avant tout symbolique.
"La reconnaissance, dans les faits, ne crée pas un État puisque l'État en question est privé des attributs fondamentaux de la souveraineté. Il ne contrôle ni son territoire ni sa population, divisés entre Gaza et la Cisjordanie", explique sur BFMTV David Khalfa, co-directeur de l'Observatoire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient à l'institut Jean-Jaurès.
Si la décision "renforce la place de la Palestine aux Nations unies, déjà reconnue depuis 2012 comme État observateur non-membre", le pays "ne pourra pas devenir un État membre de l'ONU à part entière car son admission passe par le Conseil de sécurité et les États-Unis, soutien d'Israël, poseront leur veto", expliquait lundi à BFMTV Jean-Paul Chagnollaud, président d'honneur de l'Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen-Orient (IREMMO).
La décision d'Emmanuel Macron et de nombreux autres chefs d'État a le mérite de "sanctuariser la solution à deux États", poursuit David Khalfa, mais "là ou le bât blesse, c'est ce qui se passe sur le terrain", à Gaza.
Près de deux ans après le 7-Octobre, la guerre ne semble en effet pas près de s'arrêter dans l'enclave palestinienne. Alors que l'armée israélienne poursuit son offensive contre le Hamas à Gaza-ville, l'ONU a déclaré l'état de famine et une commission d'enquête indépendante mandatée par les Nations unies a établi qu'Israël commettait un génocide contre les Palestiniens, victimes des bombardements, des déplacements forcés et de la restriction de l'aide humanitaire.
Vers une radicalisation du gouvernement israélien?
S'adressant "aux dirigeants qui reconnaissent un État palestinien après le massacre atroce du 7 octobre", le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a promis lundi qu'"aucun État palestinien ne verra le jour à l'ouest du Jourdain".
Le dirigeant visé par un mandat de la CPI pour crimes contre l'humanité a par ailleurs affirmé que son gouvernement allait étendre la colonisation juive en Cisjordanie occupée, en réaction aux reconnaissances d'un État palestinien par des pays occidentaux.
"Il y a ce risque en effet de décevoir les uns, les Palestiniens si la reconnaissance n'est pas suivie d'effet, et de s'aliéner les autres, les Israéliens", reconnaît David Khalfa. Même le chef de la gauche isréalienne, Yaïr Golan, "explique que dans les conditions actuelles, reconnaître un État palestinien est hors sol et renforce les courants les plus nationalistes", note le spécialiste du Moyen-Orient.
Pour autant, les menaces d'annexion de la Cisjordanie ne sont pas nouvelles. Le gouvernement de droite et d'extrême droite de Benjamin Netanyahu "ne cache pas sa volonté de liquider la solution à deux Etats", souligne David Khalfa. Le Premier ministre a même repris à son compte l'idée d'un "Grand Israël", allusion biblique à un État qui engloberait la Cisjordanie mais aussi une partie de la Jordanie, du Liban et de la Syrie.
Le plan d'Emmanuel Macron difficile à réaliser
Dans son discours à l'ONU, Emmanuel Macron a tracé le chemin qui devrait, selon un texte soutenu par quelque 142 pays, mener vers une coexistence pacifique entre Israël et Palestine. Le président français entend d'abord "coupler la libération des 48 otages (israéliens, NDLR) et la fin des opérations militaires sur tout le territoire de Gaza" par le moyen d'un "cessez-le-feu".
Ensuite viendra le temps de "la stabilisation et de la reconstruction à Gaza". "Une administration de transition intégrant l’Autorité palestinienne, la jeunesse palestinienne accompagnée de forces de sécurité dont nous accélérerons la formation, aura le monopole de la sécurité à Gaza. Elle mettra en œuvre le démantèlement et le désarmement du Hamas, avec le soutien des partenaires internationaux", souhaite Emmanuel Macron.
"Le Conseil de sécurité pourra décider le déploiement d’une mission de soutien civil et sécuritaire, en liaison avec les autorités palestiniennes, avec le consentement des autorités israéliennes", a-t-il ajouté.
Pour David Khalfa, ce volet sécuritaire du plan ne peut être réalisé sans l'appui américain. "Qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore, les États-Unis reste la clé au Moyen-Orient", assure le chercheur. Or à ce stade, le président américain Donald Trump, qui doit s'exprimer ce mardi soir à l'ONU, soutient la poursuite de la guerre dans l'enclave.
La France réclame, enfin, que l'Autorité palestinienne, qui n'a pas organisé d'élections depuis 2006, puisse "offrir à son peuple un cadre d’expression démocratique, renouvelé et sécurisé".
Mais là encore, un obstacle se dresse, selon David Khalfa: "la réalité d'un système politique palestinien verrouillé de l'intérieur par la corruption et la concentration des pouvoirs entre les mains d'un dirigeant affaibli (Mahmoud Abbas, NDLR) qui refuse de céder la place".
Une "Autorité palestinienne renouvelée est une condition nécessaire à la réussite de l’indispensable négociation qu’il faudra reprendre pour parvenir à un accord sur chacune des questions relatives au statut final", a plaidé Emmanuel Macron. "C’est dans ce cadre, aussi, que je pourrai décider d’établir une ambassade auprès de l’État de Palestine, dès lors que tous les otages détenus à Gaza auront été libérés et qu’un cessez-le-feu aura été établi".