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Iran

Sang contaminé, nucléaire: l'arrivée de Fabius en Iran fait polémique

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Pour la première fois depuis 12 ans, un ministre des Affaires étrangères français se rend ce mercredi à Téhéran, quelques jours après l'accord historique conclu sur le nucléaire iranien. Une visite qui  passe mal aux yeux de certains conservateurs.

C'est une visite qui aura valeur de test pour les relations diplomatiques entre la France et l'Iran. Pour la première fois depuis 12 ans, un chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a rendez-vous à Téhéran, à la suite de l'accord historique sur le nucléaire iranien, conclu à la mi-juillet.

Problème: cette venue ne fait pas que des heureux sur place. Et est même vivement critiquée dans les milieux conservateurs locaux. Ainsi, l'arrivée du ministre des Affaires étrangères français est pointée du doigt pour deux raisons: tout d'abord car la position de la France lors des négociations nucléaires a été jugée "dure" par certains commentateurs iraniens. Mais aussi parce que Paris avait affiché son soutien à Bagdad pendant la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988.

La personnalité de Laurent Fabius fait elle-même polémique. La faute à un autre dossier des années 1980: le scandale du sang contaminé. Laurent Fabius était Premier ministre quand a éclaté en France le scandale du sang contaminé.

Le Centre national de transfusion sanguine avait distribué des produits sanguins contaminés par le VIH, provoquant la mort de centaines de personnes en France où ces produits avaient ensuite été interdits. Mais des lots de sang contaminé avaient continué à être exportés à l'étranger, notamment en Iran, y entraînant l'infection et la mort de plusieurs centaines de personnes. En 1999, Laurent Fabius a été innocenté par la justice française.

Un "ennemi venant" en Iran

Dix députés iraniens - sur 290 - ont ainsi demandé au ministre des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que Laurent Fabius ne vienne pas à Téhéran, selon l'agence semi-officielle Isna. De son côté l'agence Fars, proche des conservateurs, cite un des anciens représentants du Guide suprême Ali Khamenei, au sein des Gardiens de la révolution, Mojtaba Zolnour, qui parle de Fabius comme d'un "ennemi venant dans notre pays". Il note qu'il arrive "pendant 'la semaine du soutien aux hémophiles', ce qui nous rappelle nos chers compatriotes qui sont morts à cause de l'importation de sang contaminé dont le principal responsable est Fabius".

Une "querelle juridique"

Face à ces critiques, l'actuel gouvernement iranien a pris la défense du chef de la diplomatie française."Fabius est une personnalité internationale" et après l'accord, "il n'est pas dans l'intérêt du pays de soulever cette question (du sang contaminé NDLR) maintenant", a déclaré le ministre iranien de la Santé, Seyed Hassan Hashemi. Il a toutefois rappelé que l'Iran et la France avaient "une querelle juridique" sur cette question.

Prenant à Paris la défense de son ministre, le président français François Hollande a prévenu: "Fabius, c'est la France (...) la manière dont il sera accueilli sera pour nous une évaluation du comportement de l'Iran".

Sans parler de la visite de Laurent Fabius, le ministre iranien de l'Industrie, des mines et du commerce, Mohammad Reza Nematzadeh, a cependant eu des propos fermes sur les constructeurs automobiles français qui ont quitté l'Iran - ou y ont baissé leur production - après l'imposition des sanctions internationales en 2006. Ils doivent "payer pour le non-respect de leur engagement passé et nous ne sommes pas prêts à leur donner un feu-vert si facilement" pour une reprise de leurs activités en Iran, a-t-il dit.

Relancer le dialogue bilatéral

Dans une tribune publiée mardi par le quotidien gouvernemental Iran, Laurent Fabius écrit qu'après l'accord nucléaire du 14 juillet, "la voie est (...) ouverte pour une relance de notre dialogue bilatéral". "La France, puissance de sécurité et de paix, a toujours entretenu avec l'Iran des relations marquées par le respect et la franchise, y compris quand nous avons des différences d'approche", selon le ministre des Affaires étrangères, qui ajoute:

"C'est dans cet esprit que je me rends à Téhéran et que j'aborderai avec les dirigeants l'ensemble des sujets (...) en particulier les enjeux de paix et de sécurité au Moyen-Orient, région traversée par de multiples tensions,". Selon lui, "face à ces crises et à ces tragédies, l'Iran, pays influent, peut jouer un rôle positif. L'accord que nous venons de conclure lui crée et nous crée des responsabilités particulières".

Jé. M. avec AFP