Le mea culpa du magazine National Geographic pour ses reportages racistes

Une manifestation contre le racisme à Paris le 18 février 2017 (photo d'illustration) - Lionel Bonaventure-AFP
Le mea culpa de National Geographic. Dans un éditorial publié lundi dans le cadre de son édition américaine d'avril 2018 consacrée au concept de "races", le célèbre mensuel, qui existe depuis 1888, reconnaît que "pendant des décennies, nos reportages étaient racistes. Pour nous en détacher, il nous faut le reconnaître".
"Les Aborigènes qualifiés de 'sauvages'"
"Dans un article paru en 1916 sur l'Australie, les Aborigènes ont été qualifiés de 'sauvages' qui 'se classent parmi les moins intelligents de tous les êtres humains'", se rappelle le magazine dans cet éditorial relayé sur le site français.
"Il m'est douloureux de partager cet affreux état de fait qui fait pourtant partie de l'histoire du magazine", écrit Susan Goldberg, la rédactrice en chef du mensuel qui fête ses 130 ans. "Mais puisque nous avons aujourd'hui décidé de faire une couverture exceptionnelle du sujet des 'races', il nous faut faire cet examen de conscience avant de considérer de faire celui des autres."
La journaliste assure tout d'abord que le principe même de races "est une hérésie scientifique, et ne résulte d'aucune façon d'une différenciation biologique (...) mais d'une différenciation sociale aux effets dévastateurs". La rédaction a ainsi demandé à John Edwin Mason, un professeur d'université spécialisé dans l'histoire de la photographie et de l'Afrique, de se plonger dans les archives de National Geographic.
"Les 'natifs' comme des personnages exotiques"
Susan Goldberg regrette ainsi que le mensuel ait "très peu fait pour faire en sorte que ses lecteurs dépassent les stéréotypes de la culture blanche occidentale".
"Jusque dans les années 1970, National Geographic ignorait complètement les personnes de couleur qui vivaient aux États-Unis, ne leur reconnaissant que rarement un statut, le plus souvent celui d'ouvriers ou de domestiques. Parallèlement à cela, le magazine dépeignait avec force reportages les 'natifs' d'autres pays comme des personnages exotiques, souvent dénudés, chasseurs-cueilleurs, sorte de 'sauvages anoblis', tout ce qu'il y a de plus cliché."
Dans un reportage réalisé en Afrique du Sud en 1962, le journaliste ne fait "aucune mention des tensions ni même du massacre" de 69 Sud-Africains Noirs par la police deux ans plus tôt, pointe l'universitaire.
"Aucune voix de Sud-Africains Noirs ne s'élève dans l'article. Cette absence est aussi signifiante que tous les mots imprimés. Les seuls Noirs représentés dans le magazine sont des personnages se produisant dans des danses exotiques... ou alors des domestiques ou des ouvriers."
"Pourquoi nous continuons à distinguer les Hommes"
John Edwin Mason a également découvert des photos présentant "l'autochtone fasciné par la technologie occidentale. Cela crée vraiment cette dichotomie entre les civilisés et les non-civilisés", selon lui.
"Dans deux ans, pour la première fois dans l'histoire des États-Unis, moins d'un enfant sur deux sera Blanc", poursuit la rédactrice en chef. "Il est sans doute temps de parler des conflits basés sur l'idée erronée de 'races'. D'essayer de comprendre pourquoi nous continuons à distinguer les Hommes et à construire des communautés inclusives. D'analyser le recours politique actuel aux logiques éhontément racistes et de prouver que nous valons mieux que cela."