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Ukraine

Guerre en Ukraine: la destruction d'un barrage a provoqué une "bombe à retardement toxique" de métaux lourds

L'effondrement du barrage de Nova Kakhovka, dans le sud de l'oblast de Kherson, le 7 juin 2023, au moment de l'invasion militaire de l'Ukraine par la Russie.

L'effondrement du barrage de Nova Kakhovka, dans le sud de l'oblast de Kherson, le 7 juin 2023, au moment de l'invasion militaire de l'Ukraine par la Russie. - Satellite image ©2024 Maxar Technologies / AFP

Des scientifiques s'inquiètent dans une étude publiée ce jeudi 13 mars des risques de contamination aux métaux lourds toxiques après la destruction du barrage de Kakhovka dans le sud de l'Ukraine en juin 2023.

Le 6 juin 2023, en Ukraine, le barrage de Kakhovka qui alimentait en eau la centrale nucléaire de Zaporijia dans le sud-est du pays a en partie été détruit. Cette explosion -attribuée par le Parlement européen à la Russie et qualifiée "d'écocide"- a libéré plus de 16km3 d'eau dans le fleuve Dniepr inondant une partie de la région, tuant des dizaines de personnes, et privant d'eau et d'électricité de nombreux villages. Le torrent a également "ravagé" les écosystèmes alentours d'après un article de la revue Science.

Mais les scientifiques mettent désormais le doigt sur une autre inquiétude: l'importante quantité de substances toxiques enfouies au fond du réservoir qui risquent de, petit à petit, se déverser dans le Dniepr. Un véritable danger pour l'humain et la biodiversité. L'auteure principale d'une étude à ce sujet publiée ce jeudi 13 mars, Oleksandra Shumilova, alerte sur la présence d'une "bombe à retardement toxique".

"Leurs conséquences sont comparables à celles des radiations", prévient-elle.

"Une source durable de contaminants"

Selon les chercheurs, le fond du réservoir contient 83.000 tonnes de métaux lourds "hautement toxiques". Si moins de 1% de ces métaux - du plomb, du cadmium et du nickel - auraient été libérés lors de l'explosion du barrage, les scientifiques craignent que le reste des sédiments présents "pénètrent dans la rivière par le ruissellement de surface et par les crues saisonnières".

"La destruction du barrage en juin 2023 a libéré des polluants accumulés dans les sédiments du réservoir, créant une source durable de contaminants susceptibles d'être propagés par de futures inondations", résume l'étude.

Les scientifiques soulignent que "l'eau de la rivière est largement utilisée par les ménages pour compenser les pénuries d'approvisionnement en eau municipale".

"Ces polluants déposés au fond peuvent s'accumuler dans différents organismes, traverser le réseau trophique et se propager de la végétation aux animaux, puis aux humains", explique au média britannique The Guardian, la scientifique Oleksandra Shumilova. Ils peuvent contaminer la chaîne alimentaire.

L'étude précise que ces métaux lourds peuvent "endommager le système nerveux, perturber le fonctionnement du système endocrinien et provoquer des troubles congénitaux".

Les scientifiques redoutent d'autres destructions au bilan "cataclysmique"

La guerre continuant de faire rage dans l'oblast de Kherson où se trouve ce barrage, il est risqué pour les scientifiques d'effectuer des recherches supplémentaires. Sa potentielle reconstruction, à la fin du conflit, est discutée par les scientifiques. En attendant, la nature a repris ses droits. Des saules blancs et peupliers noirs ont reboisé les terres, des colonisations de canidés et de sangliers ont été observées, et des poissons disparus depuis des décennies sont réapparus.

Outre Kakhovka, les scientifiques redoutent toutefois que d'autres barrages soient détruits. "Si d'autres barrages sont ciblés, le bilan humain et les dommages environnementaux pourraient être cataclysmiques", assurent les scientifiques qui ont participé à l'étude.

"La protection des barrages dans les zones militaires devrait être une préoccupation prioritaire du droit international, étant donné le potentiel des violations liées au conflit à produire des impacts environnementaux à grande échelle et à long terme", abondent-ils.

Juliette Brossault