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"Des attaques plus nombreuses et plus meurtrières": la semaine où Vladimir Poutine a encore intensifié la guerre en Ukraine

Des soldats ukrainiens participent à un exercice d'entraînement organisé par les forces armées britanniques dans le cadre du programme Interflex, dans l'est de l'Angleterre, le 17 juin 2025. Photo d'illustration

Des soldats ukrainiens participent à un exercice d'entraînement organisé par les forces armées britanniques dans le cadre du programme Interflex, dans l'est de l'Angleterre, le 17 juin 2025. Photo d'illustration - JUSTIN TALLIS / AFP

Attaque de drone la plus importante depuis le début de la guerre, plus grand nombre de victimes civiles recensé au mois de juin... En Ukraine, les records se succèdent. Alors que les États-Unis et les Européens poussent pour obtenir un cessez-le-feu, Vladimir Poutine intensifie son offensive, et ne se montre pas prêt à la moindre concession.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer et le président français Emmanuel Macron ont fait front ce jeudi 10 juillet face à l'acharnement de Vladimir Poutine en Ukraine. Devant la "coalition des pays volontaires", réunis en visioconférence, les deux dirigeants ont appelé à accroître "la pression" sur Moscou pour obtenir un cessez-le-feu.

"Nous devons réorienter nos efforts vers la préparation de la paix, en forçant Poutine à se rendre à la table des négociations (...). Cette pression coordonnée fera la différence", a déclaré Keir Starmer, tandis qu'Emmanuel Macron a plaidé pour "intensifier le soutien" à Kiev.

"Il faut que l'Ukraine tienne jusqu'à ce que Vladimir Poutine décide d'arrêter le massacre", juge le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour BFMTV.

Une guerre plus intense que jamais

La Russie a multiplié ces dernières semaines ses frappes nocturnes sur l'Ukraine, battant des records en nombre d'engins tirés, fournis par une industrie de défense qui tourne à plein régime. Dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 juillet, Moscou a lancé sa plus grande attaque de drones et missiles depuis le début de l'invasion en février 2022. 728 drones et 13 missiles ont été tirés selon l'armée de l'air ukrainienne.

Dans la nuit de ce jeudi, encore 400 drones et 18 missiles ont été lancés dans une attaque "massive" de "près de dix heures", faisant deux morts à Kiev.

"Les Ukrainiens affrontent maintenant des attaques par des centaines de drones chaque nuit. C'est du pur terrorisme", a dénoncé, jeudi, le président ukrainien Volodymyr Zelensky appelant ses soutiens à investir davantage dans la défense.

Le mois de juin porte le triste record du nombre de morts et de blessés civils depuis trois ans, selon la mission de l'ONU de surveillance des droits de l'homme en Ukraine. 232 personnes sont mortes et 1.343 ont été blessées.

"En saturant tous les soirs le ciel ukrainien, Vladimir Poutine vise à briser le moral de population", constate le général Jérôme Pellistrandi. "Il poursuit son offensive de haute intensité en visant l'ensemble du territoire sans vergogne".

La région de la capitale Kiev, qui concentrait les combats au tout début de l'offensive russe avant que le front ne se déplace vers le sud-est de l'Ukraine, est de nouveau massivement ciblée.

"Les attaques sont plus nombreuses et de plus en plus meurtrières. Les Russes veulent redoubler d'efforts pour arriver à leurs fins", nous explique Carole Grimaud, spécialiste de la Russie et enseignante en géopolitique à l'université de Montpellier. "La Russie a toujours les mêmes objectifs depuis 2022", note-t-elle. Soit faire capituler l'Ukraine, s'emparer des quatre régions partiellement occupées, faire cesser l'aide occidentale, empêcher Kiev de rejoindre l'OTAN...

Sur les pourparlers, "Moscou ne bouge pas d'un pouce"

Et ce n'est pas la récente pression exercée par Donald Trump - après des mois de rapprochement et de complaisance de la part de Washington envers le Kremlin - qui va changer la donne. Il y a une semaine, le président américain s'est dit "très mécontent" d'une conversation téléphonique organisée avec Vladimir Poutine.

"Il veut aller jusqu'au bout, juste continuer de tuer des gens, ce n'est pas bien", a-t-il accusé, évoquant de potentielles sanctions envers la Russie.

Il a également annoncé lundi envoyer "plus d'armes" à Kiev, notamment des systèmes de défense antiaérienne comme le réclame l'Ukraine depuis des mois, suscitant la colère de Moscou.

Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a assuré depuis la Malaisie ce jeudi avoir signifié à son homologue russe Sergueï Lavrov, la "déception" et la "frustration" de Donald Trump face au "manque de progrès" pour mettre fin à l'invasion russe.

"Mais Poutine se fiche de ce que peux dire Trump", assure le général Jérôme Pellistrandi. Les négociations, entamées par le président américain depuis son arrivée au pouvoir le 20 janvier dernier sont dans l'impasse. Aucun troisième cycle de discussions entre Russes et Ukrainiens n'a pour le moment été annoncé, après deux réunions peu fructueuses en Turquie mi-mai puis début juin. Moscou, comme Kiev, campe sur ses positions. Les deux pays demeurent très loin d'un accord, que ce soit une trêve temporaire ou un règlement à plus long terme. Le Kremlin continue de rejeter l'idée d'un cessez-le-feu.

"Donald Trump a réussi à faire penser aux Russes qu'il est important de négocier mais il n'a rien obtenu d'autres de concret. La guerre a même redoublé d'intensité depuis le début des tentatives de médiation américaine", assure Carole Grimaud, également chercheure en sciences de l’information liée à la Russie à l'université d'Aix-Marseille. "Moscou ne bouge pas d'un pouce, ils veulent leur vision de la paix". Sauf que les conditions du Kremlin sont inacceptables pour Kiev.

"Sur le terrain, chaque jour se ressemble"

Face à ce statu quo diplomatique, les dirigeants ukrainiens accusent la Russie de chercher à "gagner du temps", forte de sa supériorité en termes d'effectifs et d'armement.

La Russie, qui occupe déjà 20% du territoire ukrainien, progresse lentement sur le terrain. Elle grignote des terres dans l'Est. Elle a revendiqué lundi la prise d'un village dans la région de Dnipropetrovsk, à 70km de la ville de Donetsk sous contrôle russe, une première depuis le début de l'invasion.

Le général Jérôme Pellistrandi nuance toutefois cette nouvelle. "C'est une petite progression qui n'est pas significative. Quand la Russie prend un village, elle prend un tas de ruines", précise-t-il.

Les forces ukrainiennes ont de leur côté récemment avancé "dans le nord de l'oblast de Soumy", dans le nord-est de l'Ukraine près de la frontière russe, "au milieu d'une série de contre-attaques en cours", a noté l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW) ce mercredi.

En représailles à l'invasion russe, Kiev mène presque chaque jour des attaques aériennes en Russie. Les autorités russes ont annoncé ce vendredi 11 juillet avoir abattu 155 drones ukrainiens dans la nuit, et qu'une attaque de drone a fait un mort dans la région russe de Lipetsk. La veille, selon les autorités locales, deux civils ont été tués, à la frontière avec l'Ukraine, dans la région de Belgorod, et un autre dans la région de Koursk, cible en août 2024 d'une offensive des forces ukrainiennes chassées en avril dernier après des mois de combats.

"Pour l'Ukraine, la priorité est à la défense. Il n'est pas question pour eux de tenter une grande offensive pour récupérer du terrain", note toutefois notre consultant défense.

La ligne de front de 1.000 km2 évolue peu. Les combats, qui ont déjà fait des dizaines de milliers de morts, civils et militaires confondus, des deux côtés, se concentrent du côté de l'oblast de Soumy dans le nord-est, dans le Donbass dans le sud-est et du côté de Kherson dans le sud.

"Sur le terrain, chaque jour se ressemble", assure le général Jérôme Pellistrandi. "Vladimir Poutine pense que le rapport de force lui est favorable mais il ne parvient pas à percer les lignes de défense ukrainienne".

Juliette Brossault