Pourquoi l'Eurovision 2017 sera marquée par des tensions politiques

Kiev accueillera le 62 concours de l'Eurovision, le 13 mai. - Sergei SUPINSKY - AFP
Voulue comme un moment de divertissement partagé par les pays d'Europe, l'Eurovision peut aussi être le théâtre de tensions politiques. C'est le cas de cette 62e édition du concours, qui se tiendra samedi à Kiev, et à laquelle la Russie ne participera pas, la candidate russe ayant été interdite de pénétrer sur son territoire par l'Ukraine. Une décision directement liée aux tensions géopolitiques entre les deux pays. Explications sur un feuilleton en trois actes.
> Une candidate persona non grata
Le bras de fer a commencé fin mars, lorsque les services spéciaux ukrainiens (SBU) ont interdit pour trois ans l'entrée sur le territoire à la candidate russe à l'Eurovision, Ioulia Samoïlova. La raison de cette décision? La jeune femme de 27 ans avait participé en juin 2015 à un concert en Crimée, péninsule ukrainienne annexée par Moscou en mars 2014, ce qui n'est pas au goût de Kiev, mais aussi de nombreux Ukrainiens, qui ont appelé à interdire la participation de la chanteuse russe.
Les relations entre la Russie et l'Ukraine sont à couteaux tirés depuis l'annexion de la Crimée, qui avait été suivie d'un conflit armé dans l'est de l'Ukraine entre forces de Kiev et séparatistes pro-russes, qui a fait plus de 10.000 morts.
A l'annonce de cette décision, la Russie, par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères, a dénoncé un "acte révoltant, cynique et inhumain" de la part des autorités ukrainiennes. Plusieurs députés russes ont quant à eux appelé au boycott de l'événement, regardé par 200 millions de téléspectateurs, et très populaire en Russie.
> Une recherche de compromis
Agacée par le comportement de Kiev, l'Union européenne de radiotélévision (UER), qui organise l'Eurovision, a quant à elle adressé dans la foulée une lettre au Premier ministre ukrainien Volodymyr Groïsman, dans laquelle elle menace d'exclure l'Ukraine de futures compétitions si celle-ci persiste dans son refus de laisser entrer la candidate russe. Mais Kiev n'est pas revenu sur sa décision.
L'Eurovision avait d'abord tenté de régler le problème en proposant à la chaîne de télévision russe Pervyi Kanal de faire participer Ioulia Samoïlova par satellite. Mais cette proposition a été rejetée par la chaîne, tout comme celle de changer de candidate.
En guise de réponse finale, la chaîne de télévision russe Perviy Kanal a annoncé le 13 avril qu'elle ne diffuserait pas le concours de variétés. Perviy Kanal considère que le refus des autorités ukrainiennes est sans fondement. "C'est une tentative de l'Ukraine de politiser la compétition", a déclaré une présentatrice de cette chaîne publique.
Une mesure qui a poussé l'UER à confirmer l'impossibilité pour la Russie de participer. La diffusion de l'événement par une chaîne nationale est en effet un prérequis de la participation d'un pays au concours de l'Eurovision.
> L'affaire gagne le Kremlin
Signe de la vive tension politique entre Kiev et Moscou qui se cache derrière ce désaccord, le Kremlin s'est emparé du dossier, à la mi-avril, disant "regretter" l'exclusion de la Russie du concours. "Nous regrettons que les organisateurs de l'Eurovision aient été incapables de respecter leurs propres règles et d'obliger un pays à respecter également ces règles", a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Ces déclarations n'ont visiblement pas inquiété l'Ukraine, puisque le pays a également interdit d'entrée sur son territoire des journalistes russes chargés de couvrir le concours. Deux journalistes russes ont ainsi été refoulés à la frontière dimanche dernier, soit moins d'une semaine avant la tenue de la compétition.